Créer un podcast à l'école : un outil abordable pour une école innovante

Le podcast comme tâche motivante : quelques pistes concrètes pour se lancer dans l'aventure numérique...


Depuis quelques années, et les confinements successifs, le podcast connaît un véritable boom1. Replay d’émissions de radio ou podcast natif (créé spécifiquement pour une diffusion sur le Web), il se décline sous toutes les formes et aborde tous les thèmes. Relativement aisé à produire, il constitue une porte d’entrée abordable et attrayante dans le monde des médias. À ce titre, ne serait-ce pas l’outil idéal pour une « école innovante », pour articuler maîtrise de la langue et intégration du numérique « comme objet et outil d’apprentissage » comme l’ambitionne le Tronc Commun2 ?

Afin de dresser la carte d’identité du podcast et de dégager des pistes concrètes de réalisation, nous nous sommes entretenus avec Amélie Beerens3. Consultante en expérience client spécialisée dans les outils digitaux, créatrice de podcastset intervenante à l’IHECS lors d’ateliers multimédia, elle nous livre ses recettes : récit, gratuité, curiosité.

Amélie Beerens : « La Flamme » et « People & Digital »


1. Le podcast : carte d’identité 

Petit dernier dans le monde de la communication, le podcast est un des médias qui connaît le taux d’engagement le plus élevé. Trente minutes de consommation en moyenne, c’est bien plus que la vidéo ou le support papier. Ce succès se fonde essentiellement sur le rôle actif du récepteur5. Débarrassé des stimulations visuelles et des contraintes matérielles, branché directement à la voix qui lui parle, l’auditeur s’immerge dans le sujet exposé et participe à la création de sens. Il éprouve dès lors plus fortement les émotions qu’avec n’importe quel autre média. 

 Il existe deux grands « genres » de podcasts :

  • L’interview, la conversation : avec son oral (aux airs de) spontané et son accès direct aux voix, l’interview occupe le haut du palmarès dans l’intérêt du public : sa durée moyenne d’écoute culmine à 30 minutes. Si l’interlocuteur verse dans le récit ou l’anecdote, la barre des 45 minutes peut être visée. Ce qui plaît dans ce dispositif, c’est le caractère authentique de la communication. 
  • Le reportage, l’explication : si une seule personne prend la parole, la durée d’écoute baisse à 15-20 minutes. Mais quel que soit le nombre d’émetteurs, ce qui importe, c’est la structure du récit. Une histoire bien racontée, c’est la garantie d’un audimat conséquent. Ce n’est pas anodin si le storytelling (ou l’art de raconter les histoires) a aujourd’hui une place d’importance dans le marketing !


 2. Le podcast : mode d’emploi

Si l’intérêt de la technologie à l’école fait aujourd’hui consensus, sa mise en place constitue un challenge pour beaucoup : entre les préparations et les corrections, créer un média peut sembler chronophage. Pourtant, si apprendre à réaliser un podcast demande un investissement de départ en temps, celui-ci reste relatif et se voit vite rentabilisé. Une fois le format et le contenu trouvés, les premiers épisodes enregistrés et montés, le podcast peut devenir une routine de la classe. À côté de la notion de temps, ce sont bien entendu les aspects techniques et financiers qui posent question… Le podcast réussit le tour de force d’être 100% gratuit et de solliciter des compétences restreintes en matière numérique.

1. L’enregistrement
Il suffit de disposer d’un micro de Smartphone et d’activer la fonction « dictaphone ». Pour un son de qualité, deux conseils élémentaires : orienter le micro dans la direction de l’émetteur et produire l’enregistrement sans bruit de fond.

2. Le montage
Bien qu’il en existe d’autres (Garage Band sur Mac par exemple), Audacity (PC et Mac) est un logiciel 100% gratuit. Afin de se familiariser avec son utilisation, le conseil d’A. Beerens est de se tourner vers les nombreux tutoriels présents sur YouTube. La plateforme regorge en effet de capsules permettant de se former rapidement et gratuitement au montage sur Audacity6

3. La diffusion
Plusieurs sites d’hébergement proposent un service gratuit. Parmi les plus connus, Souncloud et YouTube. Mais le moyen le plus simple reste les réseaux sociaux. Une page Facebook, par exemple, suffit à héberger un podcast. En fonction de sa destination, plus ou moins confidentielle, cette page peut être commune à l’établissement ou créée spécifiquement pour le(s) cours concerné(s).

4. L’habillage
Que le podcast prenne place sur une page dédiée ou s’insère dans un fil plus large, il gagnera en attrait avec une identité visuelle. Pour ce faire, il existe également des sites gratuits dont le plus intuitif est probablement Canva. Répertoriant de nombreux modèles personnalisables, il permet également de créer des capsules vidéos. 


Outre l’accessibilité du podcast, A. Beerens insiste sur les apports pédagogiques d’un tel projet : « C’est un média qui crée du lien, car de l’idée au montage, c’est un travail d’équipe. Explorer des choses nouvelles, être curieux, c’est créer la différence. Sortir de sa zone de confort, innover, c’est une expérience à valoriser dans le futur »7. Autant de qualités qui sont au cœur des préoccupations pour un enseignement d’excellence…


Pacte pour un enseignement d'excellence



3. La place du podcast au cours de français  

Les Socles de compétences – Français 8


Les possibilités d’exploitation du podcast en classe sont nombreuses. Interview, compte-rendu d’expériences, récit de rencontre avec une œuvre culturelle, point sur l’actualité, billet d’humeur, infos de l’école… Possibilités qui deviennent exponentielles dès lors que l’on imagine des projets pluridisciplinaires. Leur point commun réside bien sûr dans l’exercice des compétences d’oralité et chaque tâche mobilisera les apprentissages qui lui sont spécifiques.

Face à l’étendue des applications potentielles, prenons un exemple concret dans le 1er degré différencié. Travailler au 1er degré différencié, c’est amener les élèves à reconquérir l’estime d’eux-mêmes tout en s’appropriant les savoirs nécessaires à l’octroi du CEB. Dans cette double perspective, sociale et scolaire, le Cadre de référence invite à « décloisonner les cours, mener des projets, rendre acteurs les élèves pour favoriser au maximum l’intégration au sein de notre société »9. Les bénéfices d’un pont entre l’éducation par la technologie et le cours de français y apparaissent clairement : « (…) d’autres disciplines et particulièrement celles de l’éducation par la technologie sont neuves pour l’élève, elles ne portent donc pas le poids d’éventuels échecs ou retards antérieurs. (…) Elles offrent donc un contexte motivant et significatif (notamment par leur ancrage concret et pratique) pour des apprentissages à mener au cours de français »10.

Partons sur une tâche concrète de mise en voix11 de nouvelles (ou de chapitres d’un roman) afin de créer des capsules « instant littéraire ». Sous une apparente simplicité, cette tâche s’avère complexe et permettra de produire, dans un projet unique, les trois genres oraux attendus sur l’année : la lecture expressive à voix haute, un genre d’échange entre pairs et un genre d’échange avec un adulte12.

1. Choix d’un recueil de nouvelles sur la base d’une préselection du professeur (« négociation en vue d’une décision dans un contexte réel ») ou proposition collective d’un autre support (« transmission d’une requête collective dans un contexte réel »).
2. Compréhension et appropriation du texte.
3. Préparation et entraînement à la lecture13.
4. Choix de la forme du podcast (« mise en commun d’idées », « organisation d’un projet »).
--> Création d’un format-type pour chaque capsule. Par exemple :
- Introduction musicale/jingle
- Mention du titre (et/ou slogan)
- Présentation du recueil lors du premier numéro ; présentation de chaque auteur et résumé apéritif lors de chaque numéro, pourquoi pas sous forme d’interview14
- Présentation du/des lecteur(s)
- Lecture expressive de la nouvelle.
- Clôture de la capsule (remerciements/musique/annonce du prochain numéro)
--> Chaque étape peut être élaborée de manière individuelle ou collective. Ainsi, afin de maintenir la motivation tout au long de la tâche, chaque nouvelle pourrait se voir répartie entre plusieurs lecteurs.
5. Réalisation du podcast : les étapes de montage, d’habillage et de diffusion pourraient être prises en charge par le professeur d’éducation par la technologie ou faire l’objet d’un atelier autonome au cours de français.
6. Exploitation du podcast : écoute des capsules, au fur et à mesure de leur diffusion:
- Pour prendre du plaisir
- Pour s’approprier l’intégralité du recueil
- Pour interroger ses démarches 

Un tel projet, inscrit sur la durée, nécessite l’adhésion, la responsabilisation et le travail en équipe. De la préparation à la diffusion, les étapes sont nombreuses, mais il y a fort à parier qu’elles se ritualiseront et susciteront davantage de plaisir au fil des épisodes.  

 

En conclusion ...

Cet article a pour but de donner une vision globale de la faisabilité du podcast et de son intérêt en classe de secondaire. Une fois passées les premières étapes de la découverte technologique, l’horizon des productions est infini et contribue à l’acquisition de compétences transversales comme (pluri)disciplinaires. 

Le format de la capsule, par son aspect court, apparaît comme une première étape nécessaire, mais on imagine aisément qu’elle puisse à terme faire partie d’un projet d’établissement : la webradio15.

Si l’aventure vous tente :

> Guide en ligne très approfondi pour la production de podcasts : https://www.shopify.fr/blog/comment-creer-un-podcast-le-guide-detaill
> Fiches détaillées (présentation, compétences visées et déroulement) de la radio scolaire « radio Chocotoff » : https://www.csem.be/eduquer-aux-medias/experiences-de-terrain/radio-chocotoff


Salomé Bureau



1. https://www.rtbf.be/info/medias/detail_le-boom-de-l-audio-pendant-le-confinement?id=10720724

2. www.fondation-enseignement.be

3. A. BEERENS, Communication personnelle, 3/10/2021.

4. « La Flamme » : https://www.buzzsprout.com/233375. « People & Digital »: https://ameliebeerens.com/podcasts/

5. À ce sujet, voir également « Des histoires à écouter »  d’A. Cintori : https://dupala.be/article.php?a=502

6. À titre d’exemples : https://www.youtube.com/watch?v=XAZKX8gZ9hQ ou https://www.youtube.com/watch?v=Gnx369lYTPA

7. A. BEERENS, Communication personnelle, 3/10/2021.

8. http://www.enseignement.be/index.php?page=24737&navi=295

9. Cadre de référence 1er degré différencié, p. 5.

10. Cadre de référence 1er degré différencié, p. 11.

11. Sur la préparation des textes à lire, le travail spécifique à l’oralisation et les échanges en classe, voir « La mise en voix : un atout pour une lecture approfondie des contes » d’A. Hanus : https://dupala.be/article.php?a=570

12. Cadre de référence 1er degré différencié, « Fiche 6 », p. 27. 

13. Voir article d’A. Hanus : https://dupala.be/article.php?a=570

14. Rappelons l’importance des échanges pour maintenir l’attention de l’auditeur. Si la parole spontanée ne peut être visée ici, une formule mêlant différentes voix et différents genres rompra la monotonie d’une lecture unique. 

15. À titre d’exemple, radio Chocotoff, dans le fondamental primaire, https://www.csem.be/eduquer-aux-medias/experiences-de-terrain/radio-chocotoff ou encore « Clair comme de l’eau de roche », du Collège de la Rochefoucault : http://podcast.ac-rouen.fr/

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