Lisez « Peste et choléra » de Patrick Deville

« Peste et choléra » Patrick Deville (Seuil, 2013) nous est conseillé par Céline Dispas, professeure de français à HELMo St-Roch.

Lire en confinement un livre en lien avec les virus, est-ce vraiment raisonnable ? Certains diront que non (il faut chercher à tout prix l’évasion et la poésie), mais personnellement, j’ai trouvé dans cet ouvrage une évasion bien suffisante, un voyage dans le temps et dans l’espace (une bonne partie se déroule au Vietnam) et une prise de recul par rapport aux épidémies qui fait du bien. Ce roman écrit en 2013 (prix Femina) est d’actualité en 2020.

Connaissez-vous Alexandre Yersin ? Pour faire court, c'est un disciple de Pasteur qui a identifié le bacille de la peste. Le roman de Patrick Deville nous emmène dans ce XIXe siècle arrogant, fier, aventurier et sûr du progrès. Je vous conseille comme tremplin à cette lecture d’aller revoir l’excellent documentaire paru sur Arte (Pasteur et Koch) pour comprendre l’ambiance de cette époque. Pasteur, n’ayant pu accomplir toute sa mission et sachant combien de progrès la médecine pouvait encore faire, cherche à former des disciples et instituts partout dans le monde. Yersin est l’un de ses disciples. Une très forte personnalité, profondément solitaire, du genre « pas tous les jours facile à vivre ». 

Il passe d’une lubie à une autre, quitte l’Institut français pour partir en Indochine, où il se passionne pour diverses choses (anthropologie, géographie, élevage et botanique). L’Institut le rappelle pour une mission à Hong Kong : tenter d’identifier l’origine de la peste qui fait tant de dégâts en Chine. En ces temps de concurrence avec l’Allemagne (d’autres chercheurs sont sur le coup), son acharnement lui permet d’observer au microscope, dans une cabane en paille et sous une chaleur terrible (idéale pour le bacille de la peste après-coup), le bubon d’un homme décédé. Il observe : « Le bubon est bien net. Je l’enlève en moins d’une minute (…) j’observe une purée de microbes, tous semblables. Ce sont de petits bâtonnets trapus aux extrémités arrondies. » Tout est dit. La peste fut pendant une quinzaine de siècles un fléau. 50 millions de morts en 1350, soit la moitié de la population de l’époque… Petit virus qui se transmettait de la puce au rat, et du rat à l’homme. Le vaccin viendra y mettre un point final.

Ce qui m’a touchée dans ce roman…

La personnalité d’un homme original et aventurier qui agit pour assouvir sa curiosité personnelle insatiable sans rien attendre en retour (là où tant d’autres cherchent la gloire, le pouvoir).

La discipline de ce XIXe siècle, qui a fourni tant de grands hommes… et à la fois cet esprit conquérant, supérieur, colonial : « La nuit si Yersin s’ennuie, il se met à bâtir les plans d’un château d’eau. Et le lendemain, il se met à construire un château d’eau. »

Le combat contre les microbes destructeurs, combat lentement gagné au fil du temps.  

Enfin, pour ne pas conclure, notre bonhomme a inspiré d’autres romans et documentaires. C’est un sujet d’inspiration pour les artistes ou intellectuels, jusqu’à aujourd’hui.



Céline Dispas, professeure de français à HELMo St-Roch


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