Coups de coeur

Une passerelle vers des livres qui ont été appréciés, aimés, adorés parfois, dévorés souvent... Laissez-vous séduire et profitez de ce temps béni des vacances pour plonger dans les livres !



1. Coup de cœur de Colette LEUNUS

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Laurent GAUDÉ, Salina, les trois exils, Actes Sud, 2018.
À travers cette recommandation, je souhaite vous inviter au voyage, partager un peu des mystères de l’Afrique avec une extraordinaire histoire, celle d’une femme forte, comme l’Afrique en compte tant. En fait, un conte ! Lisez ce livre, il est éblouissant…

« Je vais dire ma mère qui gît là, au fond de la barque, et le monde qui apparaîtra sera fait de poussière et de cris. À l’époque où le monde a accueilli sa vie, il y avait des soleils qui faisaient saigner la peau et un désir de vengeance sauvage. À l’époque où le monde a accueilli sa vie, il y avait une enfant venue de nulle part. Elle est née loin, Salina, si loin que personne ne connaît le lieu exact ni de qui elle fut l’enfant, pas même elle. »



2. Coup de cœur d' Aurélie CINTORI


Jérôme FERRARI, À son image, Actes Sud, 2018.
« Par une soirée d’août, Antonia, flânant sur le port de Calvi après un samedi passé à immortaliser les festivités d’un ma­riage sous l’objectif de son appareil photo, croise un groupe de légionnaires parmi lesquels elle reconnaît Dragan, jadis rencontré pendant la guerre en ex-Yougoslavie. Après des heures d’ardente conversation, la jeune femme, bien qu’épuisée, décide de rejoindre le sud de l’île, où elle réside. Une embardée précipite sa voiture dans un ravin : elle est tuée sur le coup.
L’office funèbre de la défunte sera célébré par un prêtre qui n’est autre que son oncle et parrain, lequel, pour faire rempart à son infinie tristesse, s’est promis de s’en tenir strictement aux règles édictées par la liturgie. Mais, dans la four­naise de la petite église, les images déferlent de toutes les mémoires, reconstituant la trajectoire de l’adolescente qui s’est rêvée en photographe (...) ».
https://www.actes-sud.fr/catal...

Un roman introspectif au cours duquel l'auteur nous plonge dans les réflexions et les émotions d'Antonina, son héroïne. Sa trajectoire personnelle fait écho à de multiples évènements historiques auxquels elle a pris part, parfois malgré elle. L'importance de l'acte photographique constitue une trame de fond essentielle, voire existentielle, qui guide le lecteur, tel un fil rouge, et l'amène à s'interroger sur nos sociétés de l'image et de la représentation. Une écriture fine et ciselée qui allie réflexions et fiction !



3. Coups de cœur d' Anne-Catherine WERNER



Hélène GESTERN, Portrait d’après blessure., Arléa, 2014. 
« Je suis restée un temps indéterminé assise par terre devant la poubelle, le magazine entre les mains. La bombe venait d’exploser pour la seconde fois, mais cette fois à l’intérieur de moi. Exposée, humiliée, violée, l’impression que chaque ami, chaque collègue qui me regarderait, désormais, aurait au fond de la prunelle ce spectacle surréel et répugnant. » (p. 60)

Deux collègues et amis, une rame de métro, une explosion, des cris, du sang, de la tôle tordue et déchiquetée, des corps marqués à jamais, et surtout une photo... cette photo, impudique et extrêmement violente, qui fera les choux gras de la presse et détruira chaque jour un peu plus les vies d’Héloïse et d'Olivier...

Peut-on se reconstruire après une telle tragédie ? Comment reprendre le cours de sa vie lorsque notre blessure, volée, figée sur le papier glacé, est indécemment rendue publique par les médias ? Assumée en alternance par les deux protagonistes, la narration de ce roman décrit avec précision la douleur physique et psychologique à laquelle ces derniers doivent faire face. Plus largement, le roman interroge les limites du droit de l’information et les pouvoirs de la photographie, cette « possible arme de guerre, capable de broyer [...] ceux qui s’étaient trouvés là où il ne fallait pas » (p. 75).

La plume d’Hélène GESTERN est fluide et sensible, les mots sont minutieusement choisis et les descriptions, d’une précision quasiment photographique, sollicitent tous les sens du lecteur. 

Un roman d'une bouleversante actualité qui prête à réflexion.

José PARRONDO, Parfois les ennuis mettent un chapeau, L’Association, 2014.

« Tricoter et manger des spaghetti en même temps, ce n’est pas prudent. », « Certains barbus portent une cravate et on se demanderait bien pourquoi. » , « On peut mesurer la solitude des écrivains à l’épaisseur de leurs livres. », « Même s’il n’est pas ennuyeux, un boxeur est toujours assommant. Forcément. » ...  

Parfois les ennuis mettent un chapeau 
est un recueil de pensées et d’aphorismes illustrés. Avec humour et poésie, José PARRONDO nous livre ses multiples réflexions sur la nature, les métiers, les hommes, le rapport à soi et aux autres... la vie en somme. Rempli d’illustrations crayonnées dans un style enfantin caractéristique de l’auteur, ce livre est un délice pour les yeux et pour l’esprit. Je ne me lasse pas de redécouvrir au fil des pages l’univers tantôt naïf, tantôt philosophique, souvent absurde et toujours inventif de PARRONDO. En plus d’être amusant, ce recueil, présenté sous la forme d’un petit calepin de cuir, est un très bel objet. Et cerise sur le gâteau, c’est liégeois ! 



4. Coup de cœur de Jean KATTUS


Silvia AVALLONE, D'acier, Liana Levi, 2011.  
C'est l'été. Anna et Francesca sont amies depuis toujours. Elles ont treize ans, elles sont belles, très belles, dans l'éclat de leur jeunesse. Elles passent leurs journées à la plage toute proche de leur barre d'immeubles, dans la ville industrielle de Piombino, à deux pas des hauts fourneaux. De leurs fenêtres, elles aperçoivent l'ile d'Elbe à quelques kilomètres, l'ile des touristes qui ont de l'argent. Elles, elles n'y sont jamais allées.   

C'est un roman plein de la fougue de la jeunesse, de ses pulsions et de sa joie de vivre. C'est un roman qui parle d'amitié et de l'insouciance de l'enfance qui se retire peu à peu. C'est aussi un roman sur une banlieue industrielle, où le travail harassant dans l'industrie métallurgique lamine les hommes abrutis par le bruit, la poussière et la chaleur insupportable de l'acier en fusion. C'est un roman vif et nerveux, où la colère et la révolte affleurent, et qui parle de l'Italie, pas celle des cartes postales de vacances, mais celle des jeunes qui rêvent de liberté.  

Si vous avez aimé le style de Silvia AVALLONE dans ce premier roman, lancez-vous dans la lecture de son deuxième ouvrage, Marina Belleza, centré lui aussi sur la jeunesse : quels rêves pour ceux qui sont nés « loin de tout », dans les vallées montagneuses du Piémont, autrefois prospères mais aujourd'hui désertées ?



5. Coups de cœur de Pierre-Yves DUCHÂTEAU


Richard WAGEMESE, Jeu blanc, 10/18, 2019.
Émouvant récit d’un Indien du Canada arraché très tôt aux siens pour être « nettoyé » de toute trace d’indianité. Il trouve un temps refuge dans la pratique intensive du hockey, mais bientôt ses démons le rattrapent et l’entrainent dans certains gouffres jusqu’à sa renaissance inespérée. Un destin qui en dit long sur le sort des autochtones du Canada.

Alfredo PITA, Ayacucho, Métailié 2018.
Un roman convaincant sur le Pérou, où des journalistes enquêtent sur des crimes commis dans un contexte de guerre civile opposant l’armée aux fanatiques du Sentier lumineux. Une histoire d’hommes intègres confrontés aux turpitudes des terroristes et de certains responsables du maintien de l'ordre.

Jamey BRADBURY, Sauvage, 2018.
Jean
HEGLAND, Dans la forêt, éditions Gallmeister, 1996.
Voici deux romans étrangement semblables (parus chez le même éditeur) malgré une totale absence d’influence visible de la seconde autrice sur la première.  D’évidentes qualités de part et d’autres : des personnages finement construits, interpelants, une intrigue qui pend le temps de se nouer ou de progresser et deux magnifiques épilogues. Le point commun le plus manifeste : la prégnance de la forêt. Les adultes, autant que les ados de 15 ans et plus, y trouveront leur compte ! 

Philippe PAPIN, Les Fraternités, Les Belles Lettres, 2018.
Un vieil homme se rend au Vietnam pour se renseigner sur l’Indochine qui l’a vu naitre en 1927 et y passer les trois premières décennies de sa vie. À travers le récit de ses jeunes années, le narrateur nous éclaire sur une période tumultueuse du Vietnam au cours de laquelle les colonisés, attisés par le parti communiste (le Viet Minh), feront la chasse aux colons, reprendront le contrôle du nord du pays et lui imposeront des réformes radicales. Do Thai, nom de combat de notre narrateur, d’apparence européenne et d’origine juive, sera un militant anticolonialiste convaincu avant de douter des bienfaits de l’idéologie socialiste. L’écriture ciselée sert plutôt bien ce roman historique et le tout, couronné par une fin émouvante, est particulièrement réussi.
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Emmanuel RUBEN, Sur la route du Danube, Rivages, 2019.
L’auteur et son ami, Vlad, décident de parcourir le Danube à vélo, de son embouchure à sa source. D'emblée, on songe au fabuleux Danube de Claudio Magris (1986), qui retrace l'histoire de l'Europe en l'ancrant dans les lieux marquants qui émaillent les rives du fleuve de la forêt Noire à la mer Noire. Mais alors que l'écrivain triestin insiste assez peu sur les contingences du voyage pour se consacrer plutôt à l'évocation érudite (et passionnante) de bribes d'Histoire, Emmanuel RUBEN s'emploie à raconter les multiples errements de leur arpentage, parsemé de déboires, rencontres, beuveries, baignades, visites culturelles impromptues, méditations historiques et considérations souvent désenchantées sur l'Europe actuelle. Leur parcours est certainement plus humain et à peine moins érudit.

On ne sait pas trop, du reste, si l'écriture particulièrement fluide de l'auteur cycliste épouse son coup de pédale bien cadencé (les étapes sont relativement longues et les jours de repos rares) ou l'écoulement imperturbable du grand fleuve. A cette interrogation, E. RUBEN répondrait peut-être ceci : « La plupart de mes phrases dignes d'intérêt me sont venues sur une selle : on ne pense pas seulement, à bicyclette, on écrit, ça s'écrit, en continu, dans la tête. »



6. Coups de cœur de Jean-François PONDANT


Harold COBERT, Belle-Amie, Editions les Escales, Paris, 2019.
Souvenez-vous, le « Bel-Ami » de MAUPASSANT s’est marié fastueusement à la Madeleine sous le nom de Georges Du Roy, pseudonyme révélateur de son ambition dévorante. Le milieu journalistique où il est devenu incontournable ne lui suffit plus. La politique et les affaires l’attirent. C’est avec beaucoup de sang-froid et de détermination, mais aussi avec l’aide de son épouse, féministe convaincue et militante, qu’il va s’attaquer à la conquête du pouvoir…  

Malgré les critiques positives lues, c’est avec beaucoup de circonspection que j’ai commencé Belle-Amie.  Avouez que c’est osé : écrire une suite au chef-d’œuvre de MAUPASSANT ! Eh bien, pas de regret ! Le livre est haletant : il nous plonge dans le Paris de la fin du XIXe siècle, qui n’est pas sans nous rappeler souvent notre époque, et la fin réserve au lecteur un beau coup de théâtre. De plus, c’est très bien écrit ! Pari réussi donc pour Harold COBERT.  N’hésitez pas à vous replonger au préalable dans Bel-Ami de MAUPASSANT : il faut de temps en temps relire ses classiques.

Pascale JOYE, Ce qu'il restera de nous, Librinova, 2019.  
« Sait-on jamais ce qu'il restera de nous ? Des vestiges écarlates, l'amour et la honte à la fois, le remords qui commence là où s'amenuise la passion. Vivre avec la simple idée qu'une fois les corps éteints, il ne subsistera peut-être rien de ce qui a tant bouleversé, quelle déconvenue. »

Lorsque l'avocat Mathieu Berger reçoit la visite de Margaux Delore, il est loin de se douter qu'il ne s'agit pas d'une cliente comme les autres. La jeune femme est venue lui remettre un dernier message de sa mère, Clémence Madigan, décédée d'un cancer deux mois auparavant. Se sachant condamnée à bref délai, Clémence a profité du temps qui lui était imparti pour un dernier voyage intérieur et elle a choisi l'écriture pour laisser quelques vestiges à ceux qu'elle a aimés : à sa famille tout d'abord (déchirée plusieurs années auparavant par un drame dont personne ne sortira indemne), mais aussi à Mathieu, sa part d'ombre et de lumière à la fois.

Une histoire d'amour aussi intense que déraisonnable – de celles qui restent en filigrane de toute une vie et où la douleur de la chute est à la mesure du bonheur éprouvé. Quel beau, intense et émouvant moment de lecture m’a fait vivre ce magnifique premier roman ! Le style est impeccable sans être lourd et guindé. Les sentiments décrits le sont avec énormément d'acuité, de justesse et de finesse. Les personnages en sont d'autant plus attachants... Clémence, Margaux, Philippe et surtout Tom vont, j'en suis certain, rester un moment dans mon esprit et mes pensées. Même Mathieu m'a interpelé (ému serait exagéré vu le personnage...).

Les thèmes abordés sont graves et l'auteure les sonde sans concession afin que le lecteur puisse y réfléchir, s'interroger, se remettre en question... Les différentes voix narratives, gérées d'ailleurs avec brio, nous permettent également de les appréhender selon des points de vue divers et contrastés. Enfin, les nombreuses références littéraires, musicales et culturelles témoignent de la passion que l'auteure porte aux mots et permet au lecteur de prolonger sa lecture. Gageons que Pascale JOYE n'en restera pas là et que nous pourrons la lire à nouveau très bientôt.... Mais en attendant, n'hésitez pas à vous ruer sur ce premier et excellent roman ! Cerise sur le gâteau, l’auteure est une collègue.  



7. Coup de coeur d' Anne DISTER


Yves RAVEY, Pas dupe, Les Éditions de Minuit, 2019.
"J’ai revu Kowalzki au bord du précipice, le jour où la voiture de Tippi est sortie de la route. Il contemplait le vide, l’air hagard. Je connaissais bien Kowalzki. Sa profession, agent d’assurances à la compagnie Pacific, mais aussi, depuis pas mal de temps, amant de Tippi, ma femme, morte dans l’accident. »

C’est ainsi que commence le dernier roman d’Yves RAVEY, Pas dupe, paru en mars dernier aux Éditions de Minuit.  Le narrateur, mari trompé, n’est pas dupe. Mais dès les premières pages, le lecteur se rend compte que l’inspecteur Costa, lui non plus, semble n’être pas dupe devant cet accident presque parfait…


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