Liste de cadeaux à glisser sous le sapin...
Quelques suggestions à offrir ou à se faire offrir en cette période des fêtes.
En cette fin d'année, le comité de rédaction de DUPALA vous suggère une liste d'idées de cadeaux à partager :
1. Kate Atkinson, Dans les coulisses du musée, Bourgeois, coll. Un pas en avant, 2024.
// Jean-François Pondant
Dès l'instant précis de sa conception, une nuit de 1951, la petite Ruby Lennox a commencé à voir, à comprendre, à sentir. En particulier, elle sait qu'on se serait bien passé d'elle... Et la voilà qui entreprend de nous raconter, avec un humour et une lucidité féroces, dévastateurs, son histoire, celle de ses parents George et Bunty, petits boutiquiers d'York, de ses sœurs, de toute une famille anglaise moyenne - mais assurément pas ordinaire. Mieux encore : Ruby remonte dans le passé. Si bien qu'à l'Angleterre des années cinquante et soixante se mêlent les images de tout le siècle, de deux guerres mondiales qui ont bouleversé des destinées1.
Dès sa parution en Angleterre, ce premier roman de Kate Atkinson a été salué comme un chef-d'œuvre, pour la subtilité de sa construction, la verve irrésistible de son écriture. Il a obtenu le prix Whitbread 1996, battant au dernier tour Salman Rushdie. En France, la rédaction de Lire l'a élu « meilleur livre de l'année ».
Consécration plus que méritée tant cette chronique familiale, terriblement humaine, est chargée d'émotion et pleine d'humour.
Lire ce roman, c’est se plonger dans un incroyable voyage avec, comme toile de fond, l’histoire anglaise vue à travers le prisme d’une famille ordinaire où la plupart des membres ne prennent pas les bonnes décisions et se retrouvent souvent dans des situations dramatiques. Mais le talent de l’auteure réside surement dans cette faculté de transformer ces moments tragiques en situations burlesques. Un peu comme pour nous dire que l’on peut rire finalement de tout. C’est probablement ce qui m’a le plus séduit dans ce roman : son ton ironique voire cynique.
Dans les coulisses du musée est depuis vingt ans un très grand succès de librairie outre-Manche et ce n’est pas étonnant ! N’hésitez donc pas à partir à la découverte des autres romans de Kate Atkinson.
2. Jérémie Moreau, Les pizzlys, Delcourt, 2022.
// Anne-Catherine Werner
Nathan, Zoé et leur petit frère Étienne ont dû apprendre à vivre sans leurs parents. Dignes représentants de la génération hyperconnectée guidée, voire manipulée, par les nouvelles technologies, chacun d’eux est dépendant à sa façon : tandis que sa sœur communique en permanence avec ses copines via les réseaux, Étienne est indécollable de sa console ; Nathan, quant à lui, pour subvenir aux besoins de la fratrie, enchaine les courses dans les rues de Paris en tant que chauffeur Uber... suivant systématiquement et aveuglément les indications de son GPS.
Les clients défilent à l’arrière du véhicule, de jour comme de nuit, et Nathan s’épuise toujours un peu plus. Cet épuisement le mène droit dans un poteau et fait voler sa BMW en éclats... Ce qui pourrait constituer un drame sert finalement d’élément déclencheur conduisant les personnages vers une tout autre vie : Annie, la cliente de Nathan victime elle aussi de l’accident, invite la fratrie à l’accompagner en Alaska, sa terre natale, qu’elle a quittée il y a une quarantaine d’années.
Voilà les quatre protagonistes partis à la (re)découverte d’une région où la nature sauvage domine et où l’électricité se fait rare. Tandis que les jeunes se voient forcés de s’adonner à de nouvelles activités, Annie constate avec effroi les bouleversements engendrés par les dérèglements climatiques sur la faune, la flore et la vie humaine. Tels des « pizzlys », ces ours nés du croisement (causé par le réchauffement climatique) entre les ours polaires et les grizzlys, chacun est amené à s’adapter, à se réinventer, à se reconnecter à lui-même.
Les pizzlys dénonce les changements climatiques, alerte le lecteur et questionne le fonctionnement de notre société occidentale. L’intrigue mêle habilement réalisme, spiritualité et mysticisme : les frontières sont brouillées, le lecteur s’égare ainsi quelquefois à la manière des personnages. Le récit est porté par des illustrations magnifiques aux formats variés caractérisées notamment par des aplats de couleurs vives, fluo, acides et électriques, et se substituant à plusieurs reprises au texte en jouant avec les codes iconographiques. Bref, un roman graphique à découvrir tant pour son fond que pour sa forme !
3. Nicolas Keszei, L’enlèvement de Donald Trump, Editions Mijade, 2024.
// Philippe Cheyrels
L’auteur, Nicolas Keszei, né à Bruxelles en 1973, travaille pour l’agence de presse Belga. Licencié en communication, il travaille aussi comme chroniqueur judiciaire au journal économique belge L’écho. Il écrit des récits plutôt engagés et surtout bien ancrés dans l’actualité. C’est encore bien le cas avec ce roman illustré, édité en mars 2024 aux éditions Mijade, un vrai plaidoyer pour le climat !
Beth, fille d’une mère soumise et d’un père très autoritaire, vit recluse dans une cabane au cœur de l’Alaska où elle recueille des animaux blessés et prend soin d’eux. Mais un soir, elle reçoit un étrange visiteur : un ours qui parle ! Celui-ci est le représentant des animaux et il lui transmet une requête : « Lors de son premier mandat, Donald Trump a fait beaucoup de tort aux animaux. Il n’est pas question qu’il soit réélu ! Ils vont devoir se débarrasser de lui !! »
Un roman décalé, illustré en noir et blanc par Grégoire Mabire, et dont la lecture est encore plus étonnante depuis quelques semaines… Excellente idée pour aborder la politique avec les pré-ados.
4. Gaël Faye, Jacaranda. Grasset, 2024. Lu par l’auteur sur Audiolib.
5. Kamel Daoud, Houris. Gallimard, 2024.
6. Laurent Gaudé, Terrasses ou notre long baiser si longtemps retardé. Actes Sud 2024.
//Jean Kattus
Traditionnellement, ce qu’on met sous le sapin à Noël, ce sont des cadeaux à la tonalité légère et divertissante, du joyeux, du brillant, du scintillant, par exemple des livres qu’on lit pour se changer les idées, le sourire aux lèvres… Alors, pourquoi vous conseiller ces trois coups de coeur qui ont en commun d’aborder des sujets pour le moins graves et dramatiques, à savoir le génocide du Rwanda, les années noires algériennes et les attentats de Paris ?
Simplement parce qu’il s’agit avant tout de très grands romans, tous publiés entre avril et aout de cette année, remarquablement écrits, des œuvres littéraires de tout premier plan. Des livres qui touchent profondément. Des livres qui, une fois ouverts, ont comme point commun de vous faire entrer dans une histoire et dans l’Histoire, en affirmant la nécessité absolue de témoigner de ce qui a eu lieu, de retracer l’enchainement des évènements, de les humaniser en mettant un visage et des émotions sur les victimes et les survivants. Donner une réalité aux blessures et aux souffrances qui perdurent après le traumatisme. Donner une dignité aux victimes en leur permettant d’exister dans le souvenir des lecteurs. Rendre justice à ceux dont l’existence a été brisée en reconnaissant ce qui leur est arrivé, seule voie possible pour que la vie puisse simplement continuer, être supportable et digne, pour que la honte recule, au moins un peu.
J’ai lu Terrasses en deux soirées et Houris en une semaine. Jacaranda, je l’ai écouté par épisodes, dans la voiture ou au salon, lu par son auteur Gaël Faye, dont je connaissais déjà la voix chaude et expressive à travers ses excellentes chansons. Ce sont des moments de lecture et d’écoute qui m’ont marqué. J’ai beaucoup d’admiration pour ces auteurs qui ont su développer mon empathie pour leurs personnages. J’ai l’impression de mieux comprendre, de mieux appréhender les situations qu’ils abordent. Je suis heureux du chemin qu’ils m’ont fait parcourir. Comment donc ne pas vous conseiller à vous aussi de l’emprunter ?
7. Ludwig Hohl, Ascension, Attila, 2007 (édition originale 1975)
// Aurélie Cintori
Vacances d'hiver riment souvent avec vacances à la montagne... Alors pourquoi ne pas vous plonger dans la lecture de cette aventure glaçante et terrifiante au cours de laquelle deux alpinistes affrontent les forces de la nature ?
Les encombres auxquels les deux hommes doivent faire face s'enchainent sans relâche. Aucun répit ne leur est accordé et c'est avec angoisse que le lecteur les accompagne dans leur périlleuse randonnée. Les multiples difficultés rencontrées constituent autant d'occasions pour Ull et Johann de questionner leur rapport à la montagne, ainsi qu'à eux-mêmes (leurs qualités et leurs défauts en tant qu'individus). Sous la forme d'introspections et de réflexions quant à ses besoins élémentaires, l'auteur renvoie le lecteur à sa faiblesse et à sa vulnérabilité en dehors du confort de la modernité. Chacun des deux protagonistes, livré à lui-même et démuni, affronte ses angoisses existentielles, ne pouvant échapper à sa solitude.
À l'image d'aventures telles que Into the wild, la nature occupe dans ce récit un rôle de premier plan, au détriment de l'individu qui fait l'expérience abrupte de sa faillibilité.
Deux hommes partent à l'assaut d'un glacier ; les conditions sont mauvaises. Le malaise de l'un s'intensifie devant la dureté des éléments, à tel point qu'il abandonne, et que l'autre entreprend une ascension solitaire folle, mais consciemment assumée. Lente ascension, ou lente agonie ?
On suit pied à pied les héros dans leurs trajectoires opposées, les accidents qui se multiplient, et les songes dont ils peuplent la montagne... Dans cet univers à la fois transparent et ténébreux, où la réalité tend à se dissoudre, peuvent surgir des événements décisifs et tragiques. L'écriture à ellipses de Ludwig Hohl fascine par sa minutie et sa sobriété. L'auteur tente de percer la personnalité de la montagne à travers ses couleurs, ses méandres, ses formes, son climat...2
8. Stephen Markley. Le Déluge, Albin Michel, 2024
// Pierre-Yves Duchâteau
Attention, brique. Je dirais même, brique flippante ! A offrir en priorité aux lecteurs compulsifs climatosceptiques (ça existe ?). Et même à votre grand-oncle, lecteur ordinaire, climatologue de profession ou non. Et même si vous vous dites que la littérature américaine tend à exploiter les mêmes filons narratifs, et que le présent roman n’échappe pas à ce constat (Stephen Markley est né dans l’Ohio et sait y faire en matière d’efficacité narrative), on se laisse facilement happer par ce récit de plus de 1000 pages sans que l'intérêt retombe à aucun moment.
Vous qui attendiez sans doute une fiction sur le réchauffement climatique, évènement majeur que les médias grand public s’obstinent à sous-estimer, vous voilà copieusement servi : vous les aurez, vos canicules, incendies, inondations, tempêtes de neige – dantesques évidemment – dont la fréquence s’intensifiera au fil des années. Le tout décrit avec un savoir-faire de scénariste professionnel (Markley est aussi scénariste, on le sent parfois un peu trop), si bien qu’on est souvent pris de bouffées d’angoisse. D’autant que ces avanies sont plutôt proches de nous : la narration est chronologique et s’interrompt en 2040.
En réponse à ce dérèglement, la société américaine réagit tant bien que mal : on promulgue des lois qui s’édulcorent, l’industrie pétrolière cherche à durer coute que coute, des organisations militantes secrètes, souvent violentes, se développent, les anticapitalistes s’organisent et tentent de mobiliser les foules, un pasteur ultraconservateur tente d’arracher la présidence des Etats-Unis, le tristement célèbre Breivik accède au pouvoir en Norvège… Deux bémols : il nous manque parfois des références sur l’élaboration des lois aux Etats-Unis, mais ce n’est en rien rédhibitoire, et le livre est lourd, encombrant, incommode en position couchée sur sofa moelleux. À vos liseuses, donc !
9. Geneviève Damas, Patricia
// Isabelle Persoons
Je viens de terminer Patricia de Geneviève Damas, une auteure belge. Une histoire et trois points de vue. Le livre commence par le récit d’un monsieur, Jean Iritimbi, Centrafricain sans papier. Il raconte sa rencontre au Canada avec Patricia et la manière dont elle l’a aidé en volant pour lui des papiers et en lui permettant de rejoindre Paris avec elle. Il raconte sa vision de leur relation, pourquoi il ne peut être honnête avec elle malgré la sincère reconnaissance qu’il a de l’aide qu’elle lui apporte. Il évoque aussi sa famille, restée au pays, sa femme et ses deux filles qu’il espère faire venir un jour. Un récit plein de rebondissements, de sincérité, d’émotion. Des personnages aux comportements ambigus qui peuvent générer l’incompréhension et la colère mais qui, dans le même temps, suscitent le respect. Ensuite, Patricia nous partage son point de vue, pourquoi elle poursuit son aide vis-à-vis de Jean alors qu’il lui a menti… Je vous laisse découvrir le troisième personnage.
J’ai adoré ce récit, l’histoire ou plutôt les histoires qu’il partage. Je sors de cette lecture avec de la tristesse mais aussi beaucoup d’espoir. Chaque personnage fait ce qu’il peut avec les parcours de vie très complexes et parfois semés de drames atroces qui l’ont construit. Je recommande chaudement cette lecture.
10. Joëlle Charbonneau, Need, Le livre de poche jeunesse, 2020.
// Jody Erkenne
Des adolescents du lycée de Nottawa découvrent un nouveau réseau social, Need, qui leur promet de satisfaire leurs besoins en échange de missions variées, parfois déraisonnables. En moins d'une semaine, tous les élèves du lycée s'y inscrivent.
Mais bientôt, une question inquiétante émerge avec les premières disparitions : jusqu’où des adolescents seraient-ils prêts à aller pour obtenir ce qu'ils désirent sous couvert d'anonymat ?
Le thème des réseaux sociaux abordé dans ce récit est particulièrement actuel. À une époque où les plateformes en ligne occupent une place centrale dans la vie des jeunes, Need reflète de manière percutante les dangers potentiels liés à l’utilisation des réseaux sociaux, notamment l’anonymat et ses conséquences.
Le roman pousse les adolescents à s’interroger sur leurs choix et leurs actions lorsqu’ils ne sont pas directement exposés aux regards des autres. En utilisant un cadre proche des préoccupations des jeunes, l’histoire réussit à captiver son public tout en délivrant un message crucial : dans un monde connecté, l’anonymat peut être une arme à double tranchant et il est important d’en mesurer les implications avant d’agir.
11. Darrin Bell, The Talk, Julliard, 2023.
// Sophie Motter
Darrin a 6 ans lorsque sa mère refuse de lui acheter le même pistolet à eau que ses copains et lui explique pourquoi… The Talk est un roman graphique poignant qui explore les réalités du racisme systémique aux Etats-Unis et aide à mieux comprendre le mouvement Black Lives Matter. Un livre à mettre entre toutes les mains !
12. Jean-Noël Orengo, "Vous êtes l'amour malheureux du Führer", Grasset, 2024
// Anne Dister
Jean-Noël Orengo se penche sur les mémoires d’Albert Speer, l’architecte puis le ministre de l’armement d’Adolf Hitler. Depuis ses premiers projets architecturaux et ses mises en scènes des congrès du Reich jusqu’à la chute du régime, l’auteur suit les pas de Speer, qui évitera la peine de mort lors du procès de Nurenberg, ayant assumé une « culpabilité collective » tout en revendiquant une « innocence individuelle ». Orengo dévoile les contradictions de Speer, son rôle central dans les politiques nazies, et sa capacité à construire un récit de réhabilitation après la guerre, qui fera de lui une star. Ce roman, qui mêle fiction et faits historiques, est tout simplement passionnant.
13. Jean-Claude Grumberg, La plus précieuse des marchandises, Seuil, 2019
// Amélie Hanus
Avant d'aller voir le film d'animation qui est projeté pour le moment dans les salles et qui, parait-il, est magnifique, lisez donc ce petit bijou ! C'est un conte, certes, mais moderne car chronologiquement situé pendant la seconde guerre mondiale. Pauvre Bucheronne vit dans une forêt épaisse et enneigée avec son Pauvre Bucheron de mari et tous les jours, elle regarde passer le train... sans se douter de ce qu'il y a dedans. Un beau jour, miracle, en sort une « marchandise » très précieuse, un bébé emmailloté. Pauvre bucheronne la recueille et tentera de la protéger contre les nombreuses menaces qui la guettent.
C'est une pépite bouleversante, empreinte de poésie, d'émotion et de sensibilité, qui plait à tous, des ados aux plus âgés (testé et approuvé) !
14. Brigitte Vaudolon et Emmanuelle Pioli, La résilience, ça se cultive au quotidien, Mango, 2019.
// Sylvie Bougelet
Puisque chacun, enfant, adolescent, adulte, risque d’être un jour confronté à des difficultés ou amené à accompagner une personne qui en vit, ce livre invite à explorer les capacités de chacun à les surmonter. Ce livre pourrait être lu par des lecteurs adolescents ou adultes puisqu’il traite de la résilience de façon décontractée selon l’introduction du livre rédigé par Brigitte Vaudolon, psychologue et coach. Elle a collaboré avec l’illustratrice Emmanuelle Pioli pour produire cet ouvrage. Elle le présente ainsi : « À l’aide d’une bande d’amis qui se rejoint le temps d’un week-end, nous allons découvrir ce que chacun a pu mettre en œuvre pour traverser les épreuves qui se sont présentées dans sa vie : rupture sentimentale, échec à un examen, chômage, divorce, maladie, décès d’un proche, problèmes de communication dans le couple… » Ce qu’elle ne dit pas dans l’introduction, c’est qu’il s’agit de pistes illustrées sous la forme d’une BD pour savoir comment rebondir face aux difficultés par l’intermédiaire de conseils et d’outils pratiques, comment développer sa résilience au quotidien. Ces différents choix rendent le texte vraiment agréable à parcourir !
1. https://www.babelio.com/livres/
2. https://www.librairie-gallimard.com