Coups de cœur pour cet été

Cet été encore, bronzons intelligemment, avec de bons bouquins recommandés par l'équipe de DUPALA !


Quelques recommandations pour cette période estivale.

Une passerelle vers des livres qui ont été appréciés, aimés, adorés parfois, dévorés souvent... Laissez-vous séduire et profitez de ce temps béni des vacances pour plonger dans les livres.



1. Coups de cœur d'Anne-Catherine Werner

Victor Jestin, La chaleur. Flammarion, 2019. 


Un camping dans les Landes, un soleil à la fois radieux et pesant, des adolescents en ébullition qui font la fête et s'amourachent les uns des autres, des expériences, des premières fois... et puis Léonard, le narrateur de ce roman. Léonard qui préfère rester à l'écart. Léonard qui écoute Wagner plutôt que de la musique pop. Léonard qui attend impatiemment la fin des vacances familiales au camping. Léonard qui, un soir, trouve Oscar, visiblement ivre (pour ne pas dire comateux), assis sur une balançoire la corde autour du cou... Il l'observe, mais ne fait rien... Il le regarde mourir... et puis, instinctivement, il enterre le corps sur la plage. 

C'est par cette scène à la fois violente et silencieuse que débute le premier roman de Victor Jestin. Au fil des pages, le lecteur découvre un personnage-narrateur rongé par la culpabilité et tiraillé entre ce qui fait sa singularité et la volonté de se conformer aux habitudes des jeunes de son âge, de se fondre dans la masse. Le style incisif et puissant de Victor Jestin donne au récit une teinte cinématographique qui renforce l'ambiance anxiogène dans laquelle le lecteur comme le personnage sont plongés. Un roman coup de poing à lire d'une traite !



Wilfrid Lupano et Grégory Panaccione, Un océan d'amour. Delcourt, 2014. Collection Mirages


Inquiète de ne pas voir rentrer son mari pêcheur, une Bigoudène passée maitre dans l'art domestique décide de quitter son village breton pour partir à la recherche de son époux. Elle casse sa tirelire et embarque sur un bateau de croisière où elle fera sensation. De son côté, sur sa frêle embarcation, le petit pêcheur tente, tant bien que mal, de surmonter les innombrables obstacles que l'océan lui impose (pêche intensive, pétrolier, pollution des eaux, douaniers véreux, tempête, faim, etc.). Ces deux personnages bien typés, auxquels il est difficile de ne pas s'attacher, vivront des aventures rocambolesques. 

La quatrième de couverture donne le ton :

« Ingrédients : océan (eau, sel, détritus), amour (eau de rose, baisers, mariage), sardines, mouettes, crêpes, homard, Bigoudènes endeuillées, sauce (aventure, suspense, second degré, drame sentimental, rebondissements absurdes, gags désopilants), Che Guevara (0,5%), arôme artificiel de Vierge Marie. Garanti sans dauphins, sans textes ni onomatopées. Peut contenir des traces de pictogrammes. »

Cette bande dessinée hors du commun mêle habilement un scénario déjanté à des illustrations sublimes pour nous parler, sans aucun mot, d'amour, d'aventure, mais aussi d'écologie et de maux de notre temps. Muet est un qualificatif qui ne convient absolument pas à ce fabuleux récit rempli d'humour et d'émotions. En effet, les images constituent ici un langage bien plus puissant que celui des mots, laissant la liberté au lecteur d'y percevoir, selon ses valeurs, telle ou telle intention et de construire ses interprétations.



2. Coup de cœur de Philippe Cheyrels

Julien Sandrel, Merci, Grazie, thank you, Calmann-Lévy, 2022.


L’année dernière, à l’approche de l’été, j’avais fait le choix de vous proposer un roman de Julien Sandrel en vous souhaitant de mettre du soleil dans vos vacances. Cette année, nous en aurons tous besoin…

Gina, charmante vieille dame d’origine italienne qui mène une vie modeste à Paris, a un péché mignon que tout le monde ignore : les machines à sous. Et voilà qu’un jour, elle gagne ! Ce gain inattendu décide Gina à prendre une folle décision : cet argent, elle va le partager avec chacune des personnes qui ont joué un rôle important dans sa vie. C’est le début d’un voyage sur les traces de son passé. Voyage riche en émotions, entre fous rires et larmes.

À nouveau, Julien Sandrel aborde un sujet sérieux : l’immigration des Italiens. Tout en orchestrant des rebondissements qui tombent au bon moment et rendent cette aventure ludique et émouvante. « Une véritable ode à la gratitude » titrait le Lire Magazine littéraire. Bonne lecture !




3. Coup de cœur d'Aurélie Cintori

Myriam Leroy, Le mystère de la femme sans tête, Seuil, 2023.

Qui est donc cette Marina Chakoff dont le nom apparait sur une stèle du cimetière d'Ixelles ? Intriguée par la précision « décapitée », l'autrice décide de mener l'enquête. Nous la suivons au gré de ses recherches, tentant de découvrir la véritable histoire de cette « Jeanne d'Arc belge ». 

Sous ses airs de roman historique, le récit s'avère finalement beaucoup plus complexe qu'une simple reconstitution des faits. Mêlant anecdotes personnelles et herméneutique, Myriam Leroy s'interroge et relativise la notion de vérité historique. À travers de multiples témoignages (passés et contemporains), elle cherche à rendre compte de la psychologie de son héroïne. Pour y parvenir et en vue de combler les ellipses historiques, elle puise dans sa propre expérience. Elle met ainsi en scène un écho de sa propre condition de femme. C'est donc bien d'un engagement féministe qu'il s'agit, subtile et réflexif, pour notre plus grand bonheur !




4. Coups de cœur de Jean Kattus

Audur Ava Olafsdottir, La vérité sur la lumière, Miss Islande, Eden, L’embellie, Editions Zulma.


D’abord, bien sûr, on lit un premier roman d’Audur Ava Olafsdottir, un roman dont on a entendu parler, qu’on nous a conseillé ou sur lequel on est tombé par hasard. Au bout de quelques pages, on se met à sourire, on s’étonne, on s’attache aux personnages et à la très volcanique terre d’Islande battue des vents. Puis on trouve un deuxième livre à la bibliothèque, qui nous donne envie d’acheter le troisième en librairie, et ainsi de suite...

On prend alors plaisir le soir à trouver quelques minutes d’accalmie pour ouvrir ces livres aux belles couvertures, pour y découvrir une atmosphère et des personnages forts, entiers et rudes, mais aussi remplis de douceur, de positivité, et d’humanité. Le regard de l’autrice sur son pays et sur le fonctionnement de la société islandaise est profondément original et les thématiques (liberté, féminisme, écologie, écriture…) qui parcourent son œuvre sont tout à fait ancrées dans l’actualité, mais touchent aussi à des questionnements intemporels. Une écriture simple, d’une grande finesse, « qui explore avec grâce les troublantes drôleries de l’inconstance humaine », comme le dit très justement la 4e de couverture de ses ouvrages. Je me réjouis de continuer mon parcours de lecture en compagnie de cette autrice avec laquelle j’ai l’impression qu’un lien d’amitié se tisse au fil de nos rencontres.


PoPésie, Maïté Robert, À l’école des lettres. Mâtin, 2023.


Hugo, Balzac, Baudelaire, Zola, Sand, plusieurs autrices trop peu connues du XIXe siècle et bien d’autres encore... sont les personnages de cette bande dessinée fort amusante, en tout cas pour ceux qui possèdent déjà les principales références nécessaires pour débusquer les nombreux clins d’œil à l’histoire officielle de la littérature française. Réjouissant.




5. Coups de cœur de Jean-François Pondant

Eric Marchal, Les heures indociles, Pocket, 2019.


1908. La reine Victoria n'est plus et son fils Edward VI se rapproche de ses voisins européens. Le vieux monde britannique se fissure sous l’impulsion de groupes d'avant-garde, comme les suffragettes qui mènent une lutte acharnée pour le droit de vote des femmes. L’heure n'est pas à la révolution, mais à une révolte sociétale de moins en moins feutrée dont les hauts faits se déroulent dans le Londres de Virginia Woolf et de Conan Doyle, celui des parcs et de la bourgeoisie de l'ouest autant que dans les taudis de l'East End ouvrier. Dans Les heures indociles, Éric Marchal relate le parcours de trois personnages hors du commun : Olympe Lovell, la suffragette, une guerrière au service de Mrs Pankhurst, prête à tous les sacrifices pour la cause. Thomas Belamy, l'annamite, est médecin au Saint Bartholomew Hospital, le plus vieil établissement de Londres. Il travaille dans le service flambant neuf des urgences et dirige un département de médecine non conventionnelle dont le but est d'unifier les pratiques occidentales et chinoises. Enfin, Horace de Vere Cole, le plus excentrique des aristocrates britanniques, poète et mystificateur, qui est à la recherche de son chef d’œuvre (le plus grand canular de tous les temps). Chacun d'eux est un rebelle. À deux, ils sont dangereux. À trois, ils sont incontrôlables et deviendront la cible du pouvoir et d'un mystérieux personnage se faisant appeler l'apôtre.


Eric Marchal, présenté régulièrement comme le Ken Follet français, nous emporte dans un tourbillon d’aventures palpitantes, foisonnantes et vécues par sa galerie de personnages à la Dickens, plus attachants les uns que les autres. Il nous balade dans le Londres du début du XXe siècle : de Buckingham Palace aux taudis de l'East End, de l'hôpital au Parlement , des égouts au Saint-Bartholomy Hospital, le plus vieil établissement de soins de Londres à Chinatown.

« Il faut en profiter, nous vivons les heures le plus indociles de l'histoire de l'Angleterre ! », dit un des protagonistes du roman. En effet, des femmes se lèvent et réclament des droits, des hommes, révolutionnent la médecine et ses pratiques et se battent contre le racisme ambiant…

Une lecture passionnante et intéressante parfaite pour les vacances ! Un roman que l’on ne lâche que difficilement et que l'on referme à regret après l'avoir dévoré !


Françoise Chandernagor, L’or des rivières, Gallimard, 2024.

Des rivières sauvages, des vallées sombres, des gorges, des torrents, des cascades, et, au creux des collines, un lac immense : dans un récit autobiographique, Françoise Chandernagor nous décrit la Creuse, pays des sources et des eaux qui inspira Claude Monet. Pauvre, secrète et longtemps inaccessible, cette région du Massif central - dont, pendant trois siècles, les fils devaient migrer chaque printemps vers des chantiers parisiens pour survivre -, cette terre granitique vouée au chêne et au genêt, fut le paradis de son enfance. Une enfance à demi paysanne, placée sous l'égide d'un grand-père lui-même « maçon migrant ». Dans un hameau de dix-sept feux, une enfance libre et buissonnière qui est à l'origine de sa vocation d'écrivain.
À travers le sort de ceux qu'elle a connus dans son village, et les changements économiques ou climatiques violents de ces dernières années, Françoise Chandernagor, avec son art de conteuse, montre la transformation de cette « ile » hors du temps. Son ile battue des vents où, longtemps, on n'arrivait qu'à pied : « Eux savaient où était caché l'or vrai, et ils se promettaient qu'un jour ils reviendraient vers leurs landes familières, reviendraient dans leur village sans route, perdu entre Limoges et Clermont, pour y contempler chaque été, et jusqu'à en être aveuglés, les paillettes de soleil que nos vents fous arrachent aux rivières. »

Avec le talent que nous lui connaissons, Françoise Chandernagor nous raconte sa terre, La Creuse, tant méconnue et souvent oubliée ; elle partage des faits historiques, nous fait rencontrer des personnages terriblement attachants, de ses grands-parents aux maçons de la Creuse en passant par Georges Sand. Elle nous parle aussi de mondialisation et d'écologie.

Ce livre inclassable, indéfinissable mais terriblement instructif qui invite à la promenade et à la rêverie vous donnera sans aucun doute l’envie d’aller vérifier de visu ce qui y est merveilleusement décrit. Un moment de pur bonheur littéraire !






6. Coup de cœur de Calogera Rivituso

Jean-Pierre Cabanes, Rhapsodie italienne, Le Livre de Poche, 2021.



Comment vous convaincre de lire un roman de plus de 700 pages ? La première raison (et elle ne peut que nous réjouir) est que les vacances d'été approchent à grands pas et s'il existe une période où on peut (enfin) prendre son temps pour faire ce que l'on aime, c'est bien celle-ci ! La seconde est que, dès les premières pages, nous sommes les invités privilégiés d'un mariage à Vérone (avouez qu'il y a pire comme destination). Mais nous comprenons très vite qu'entre Julia et son mari, c'est loin d'être la passion qui les unit. Ce dernier est tué, le jour même de cette union maudite, par Lorenzo, le seul grand amour de Julia, brillant officier de l'armée italienne qui part à la guerre de 1915 contre les ennemis austro-hongrois. À plusieurs kilomètres de là, en Sicile, au même moment, Nino commet un crime d'honneur avec l'aide de sa bien-aimée, Carmela. Pour échapper à sa peine, lui aussi décide de partir combattre. Et c'est ainsi que ces deux hommes, que rien ne prédestinait à se rencontrer, vont devenir frères d'armes.

À travers les aventures et mésaventures de ses protagonistes, l'auteur nous fait vivre une partie de l'histoire de l'Italie (entre 1915 et 1945) : on découvre ainsi l'ascension de Mussolini et celle d'autres personnages qui ont réellement existé ; on comprend un peu mieux les rouages de celle qu'on n'appelait pas encore Cosa Nostra. C'est aussi une réflexion profonde sur l'absurdité des guerres et des violences (on ne peut s'empêcher de penser à la situation actuelle). C'est enfin une ode au courage des femmes. Si vous aimez les grandes épopées historiques et les belles histoires romanesques (sans tomber dans la mièvrerie), procurez-vous ce roman au style rythmé et palpitant !



7. Coup de cœur d'Isabelle Persoons

Dolores Redondo, La face nord du coeur, Folio, 2022.



Une jeune enquêtrice, Amaia, torturée par un passé douloureux, qui lui a toutefois permis de développer une intuition hors norme et une grande capacité à analyser les comportements d’autrui, est en formation de profileuse pour le FBI. Dans ce cadre, elle est repérée par Duprée, un agent-formateur, et est envoyée sur les traces d’un tueur en série qui tue des familles entières durant des catastrophes naturelles. Elle se retrouve donc en Louisiane, en plein cœur de l’ouragan Katrina. 

Je laisse le soin à chacun de découvrir l'intrigue de ce livre rythmé à l’écriture fluide et à l’héroïne aussi intrigante qu’attachante. Toutes ces qualités m'ont fait aimer le roman et m’ont amenée à poursuivre ma découverte de l’autrice. J’ai enchainé avec ses autres polars : Le gardien invisible et De chair et d’os. N'hésitez pas à vous y plonger également. 




8. Coup de cœur d'Emilie Minguet

Suzanne Prou, Caroline et les grandes personnes, Bordas, 19878.



Caroline passe ses vacances d’été à la campagne, dans une grande maison de famille dont le jardin luxuriant regorge de cachettes. Ses journées sont paisibles. Elle profite des grasses matinées, elle flâne à l’ombre du soleil et joue avec le chien Mirliton... Mais elle est la seule enfant : elle est entourée de grandes personnes. Ses parents, tout d’abord. Puis bon-papa, bonne-maman, tante Luce et tante Françoise, mais aussi Mariette, qui fait le ménage. Caroline observe tout ce petit monde graviter autour d’elle. Ils sont étranges ces adultes, avec leurs lubies. Ils sont bien sérieux. Ils ne font que bavarder. Ils sont aussi parfois injustes quand ils la grondent. Un jour, alors qu’elle s’est réfugiée dans sa chambre après avoir été réprimandée, Caroline entend Chloé, la vieille pendule du palier, qui l’appelle. Tic-tac... Celle-ci lui confie un secret : et si les grandes personnes avaient au fond d’elles un petit oiseau oublié, invisible aux yeux du monde ? Et si cet oiseau s’enfuyait ? Caroline entame alors un voyage onirique à la découverte des enfants qu’ont été les adultes de sa famille. 

Petit bijou de la littérature jeunesse, Caroline et les grandes personnes est un récit sensible et poétique qui évoque, à hauteur d’enfant, le temps qui passe, l’enfance et la vieillesse, la vie et la mort. Psychanalytique, le cheminement de Caroline à travers le passé rappelle aussi aux adultes qu’ils recèlent en eux un petit être vital qu’il s’agit de préserver.


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