Activité d'écriture élaborée à partir d'un roman de Marie Colot

L'article présente les différentes étapes d'un atelier amenant les élèves à amplifier un roman après l'avoir lu.

Cet article décrit une activité élaborée par Elisa Arrigo, étudiante actuellement en dernière année de sa formation. Elle l'a conçue après avoir lu le roman de Marie Colot, Jusqu'ici tout va bien, et avoir rencontré son auteure en mai de cette année. Un article rendant compte de cette rencontre a été publié dans le numéro précédent de cette revue : Accueil de Marie Colot


Marie Colot lors de la rencontre avec les étudiants en mai 2022

Marie Colot lors de la rencontre avec les étudiants (dont Elisa qui se trouve juste derrière elle) au printemps 2022



Ce roman publié en 2017 par la maison d'édition Alice Jeunesse est destiné aux adolescents à partir de 13 ans, selon le site de son auteure1. Il a été lauréat du Prix Première - Victor du livre de jeunesse en 2019-2020. Vous pouvez écouter Marie Colot lire les premières pages de son roman grâce au lien suivant :  http://sophielit.ca/extraits.p...



INTRODUCTION

Il a été demandé à Elisa pourquoi elle avait choisi ce roman, s'il pouvait, à ses yeux, susciter l’intérêt des adolescents et s'il serait intéressant de l’exploiter en classe. Sa réponse est reproduite ci-dessous.

J’ai choisi d’exploiter le roman « Jusqu’ici tout va bien » de Marie Colot, car en lisant la quatrième de couverture, c’est une histoire qui a directement attiré mon attention. En effet, la description de ces 24 heures dans la peau d’un adolescent délinquant qui est en fuite m’a tout de suite donné envie de plonger dans ce roman et de découvrir l’histoire de son héros.

« Jusqu’ici tout va bien » raconte l’histoire de Jozef, un adolescent âgé de 15 ans, d’origine polonaise, au caractère rebelle, qui aime braver les interdits, mais au grand cœur. On s’attache très rapidement au personnage qui, malgré son côté « grosse brute », sait faire preuve de tendresse. C’est un roman qui mêle une histoire d’amour à la fuite du héros : Jozef veut échapper à la police après avoir été arrêté pour un vol à main armée, il n’a pas le temps de rester au commissariat, car il a rendez-vous avec l’amour de sa vie ! Le lecteur découvre alors une cavale de 24 heures, rythmée par une série de péripéties.

Le choix de l’auteure au niveau de la narration peut certainement plaire aux élèves. Effectivement, le fait que le narrateur raconte sa propre histoire au moment présent et qu’il parle en « je » contribue à créer un effet de réel et suscite de vives émotions chez le lecteur qui, tantôt, s’inquiète pour le personnage, tantôt ressent de la compassion pour lui. Le lecteur s’attache très facilement au héros et peut vivre son histoire avec lui. Il me semble que ce sont des aspects qui peuvent vraiment plaire aux élèves et faciliter leur lecture. De plus, le fait que le narrateur soit le personnage principal de l’histoire crée un effet de suspense qui suscitera, à mon sens, l’intérêt des adolescents. Le lecteur ressent l’envie d’en savoir toujours plus, il attend constamment de découvrir la suite de l’histoire. Ces caractéristiques de la narration contribuent donc à créer un effet de réel et de suspense qui attirera les élèves, et elles peuvent être intéressantes à aborder avec eux en classe.

Le temps est également un aspect important au sein du récit. Le lecteur avance minute par minute, heure par heure dans l’histoire du héros, comme s’il la vivait directement avec le personnage. Ce minutage renforce également l’effet de suspense, car celui qui lit le roman a toujours envie de connaitre la suite et cela peut contribuer à susciter l'intérêt des élèves.
Par ailleurs, le style d’écriture permet d’entrer facilement dans l’histoire et facilite la lecture. En effet, il n’y a pas de longues descriptions qui ralentissent le récit, le lecteur peut ainsi avancer dans le récit au même rythme que le personnage, en suivant chacune de ses actions racontées simplement et de manière successive. La lecture devient véritablement dynamique grâce à ces successions d’actions. Le parti pris est celui de la spontanéité : le narrateur raconte très simplement ce qu’il vit en utilisant des phrases courtes et simples qui permettent au lecteur de suivre chaque étape de sa fuite aussi rapidement que lui. Cette simplicité dans le style rend le récit facile à lire, ce qui constitue un véritable avantage pour les élèves. De plus, ce qui contribue à renforcer cette idée de spontanéité est le choix du registre de langue : le narrateur s’exprime en employant un langage oral familier, voire vulgaire à certains moments. Cela renforce l’effet de réel et peut sans doute plaire aux élèves, qui se reconnaissent dans cette façon de parler.

Pour moi, ce qui est intéressant est l’évolution positive du héros au fil de l’histoire. Il s'agit d'une ambition propre à l’auteure : lors de notre rencontre avec elle, Marie Colot a évoqué le fait de ne pas vouloir faire passer de message à travers ses romans, mais plutôt de montrer une des manières possibles d’affronter un problème avec une histoire qui se termine bien. Ceci pourrait également faire l’objet d’une réflexion à mener en classe avec les élèves, car je trouve qu’il serait intéressant de voir s’ils pensent à d’autres manières de régler le problème du héros.



L'atelier d'écriture élaboré par Elisa à partir de ce roman se déroule en suivant les étapes décrites ci-dessous, après la lecture intégrale du livre par les élèves. Il pourrait s'intégrer dans l'UAA5 intitulée S'inscrire dans une œuvre culturelle (dans ce cas-ci en l'amplifiant) du programme des 2e et 3e degrés de l'enseignement qualifiant. Il a été structuré selon les différentes phases (celles de motivation, de production, de communication et de réaction) qui sont décrites par Claire Boniface et Odile Pimet dans leur ouvrage intitulé Les ateliers d’écriture2.


1. Phase de motivation

L'animateur de l'atelier présente celui-ci aux participants : il consiste à écrire la suite du roman en imaginant que le personnage principal, Jozef, est sorti du centre éducatif fermé où il se trouve à la fin du récit. Il leur explique ses modalités pratiques (notamment l'écriture menée parfois à plusieurs) et résume ses principales étapes. Pour que l'activité soit motivante et porteuse de sens pour eux, il indique ses objectifs (développer leur créativité en imaginant la suite du roman, leur appétence pour l'écriture et divertir le lecteur de leur production qui sera socialisée en classe et transmise à Marie Colot, ce qui peut être une source de motivation pour les élèves). Il veille également à instaurer un climat de bienveillance afin que les moments de partage des textes se déroulent dans de bonnes conditions.

Ensuite, les élèves résument oralement l'histoire racontée dans le roman Jusqu'ici tout va bien afin de vérifier la compréhension et les souvenirs de chacun avant de commencer la rédaction de la suite du texte. Ils réalisent également la carte d'identité du narrateur, Jozef, puisqu'ils devront se mettre dans sa peau pour écrire.

Jozef  JEDRZEJCZYK
Nationalité : 
Âge : 
Situation familiale : 
Situation professionnelle : 
Quelles sont les qualités du personnage ? 
Quels sont ses défauts ?


Un rappel des caractéristiques du genre du roman est fourni aux élèves étant donné qu'il s'agit d'une partie des ingrédients nécessaires à l'écriture.

Le roman réaliste à dominante psychologique
Le roman réaliste est un genre de textes qui, comme son nom l’indique, est attaché au monde réel. Il n’y a aucun élément surnaturel, les personnages sont des gens ordinaires qui sont confrontés à des problèmes sociétaux.
Le roman réaliste à dominante psychologique montre un personnage qui est confronté à lui-même et au monde. Il y a toujours un cadre spatiotemporel réaliste. Le narrateur est souvent le personnage principal : celui-ci laisse le lecteur accéder à ses pensées intérieures. Le lecteur a accès à la psychologie du personnage, qui est la dimension essentielle dans le récit. Au second plan se trouvent alors l’intrigue et les descriptions de lieux.
Thèmes récurrents : obsession, jalousie, amour, déception, abandon, fuite, etc.
Concernant la structure du récit, le lecteur suit les pensées spontanées d’un personnage, comme s’il l’écoutait parler. 


Après ce rappel, différents extraits du roman sont lus et analysés afin d'observer comment Jozef s'exprime afin que les élèves puissent s'approprier sa manière de parler, de communiquer ses pensées. Ils sont amenés à être attentifs au vocabulaire qu'il utilise, à la manière dont il construit ses phrases. Une partie de ces extraits peut être lue ci-dessous. Fournir des extraits représentatifs du genre de textes à écrire pourra faciliter l'écriture des participants à l'atelier. 

Extrait n°1 :
C'est ici que tout a commencé avec elle [Amel]. Et que tout se termine. Elle est assise sur notre banc. Avec Darius. Dans ses bras. Ils sont tellement occupés à se serrer qu'ils ne remarquent pas mon arrivée. Tout s'éclaire. Il m'a pris mon cachot, il m'a volé ma copine. Je ne suis qu'un gros naïf trop gentil. C'est Hiroshima partout à l'intérieur de moi. Darius, je vais l'atomiser.[...]

Extrait n°2 :
Luis et Guy traversent la rue. Pas des enfants de chœur, eux non plus. Si tous les potes de Raja rappliquent, je ne suis pas sorti de ce trou pourri.
- Sa mère !
- Sa mère à qui, mon p’tit ?
- Quoi ?
- De la mère de qui tu parles ?
- Mais de personne !
- Hein ? 
Ce mec est tellement loin qu’il a oublié les insultes de base.
- La ferme !
- M’enfin, de quoi t’as peur ? 
- D’eux là-bas ! [...]

La manière dont s'exprime Jozef
Comment s’exprime-t-il à travers les dialogues ? 
Comment exprime-t-il ses pensées ?
Registre de langue : 
Construction des phrases de manière générale : 



2. Phase de production

Durant cette phase, les élèves mettront en œuvre les processus ou opérations de l'écriture (la planification, la rédaction, le relecture et réécriture et l'acte graphique).Ceux-ci sont décrits notamment dans le Guide pratique du programme de français du 1er degré (1er A et 2e commune) ainsi que dans le programme de français des 2e et 3e degrés de l'enseignement qualifiant.

Planification

Des binômes sont formés au choix par les élèves, puis le professeur rappelle et précise les consignes d'écriture ainsi que les contraintes libératrices. L'objectif de ces dernières est de libérer l'écriture des participants en les amenant à se concentrer sur la contrainte donnée pour écrire : en effet, s'ils n'ont aucune contrainte et aucune idée, cela peut être angoissant. Dans ce cas-ci, il s'agit d'écrire la suite du roman en imaginant que Jozef est sorti du centre éducatif fermé où il se trouve à la fin du livre et de s'approprier la manière dont il s'exprime dans le roman pour qu'elle corresponde aux caractéristiques de ce personnage.

Ensuite, les élèves imaginent un autre personnage en répondant à plusieurs questions à son propos : est-il de sexe masculin ou féminin ? Comment s’appelle-t-il ? Quel âge a-t-il ? De quel milieu socioéconomique provient-il ? Connait-il déjà Jozef ou non ? Ils répondent à ces questions par deux, sauf pour la dernière à laquelle ils répondent individuellement.
Ensuite, par deux, ils piochent un objet (sans rapport avec le roman) et un lieu à intégrer dans leur production : il s'agit d'autres contraintes libératrices, d'autres outils déclencheurs de l'écriture qui la rendront un peu plus ludique. Cette contrainte a été adaptée d'une consigne d'une activité intitulée L'anecdote et décrite par l'écrivaine Eva Kavian dans son ouvrage Écrire et faire écrire. Manuel pratique d'écriture3.


Les participants se mettent également d'accord sur ce qui se passera dans leur récit avant que Jozef ne rencontre leur personnage ainsi que sur le moment où l'objet et le lieu piochés y seront intégrés. Ils réalisent un plan de leur texte sous la forme de tirets et de mots-clés. De manière individuelle, ils choisissent le rôle qu'aura leur personnage dans l'histoire et ce qu'il apportera à Jozef. Ils sont donc en train de planifier leur écrit : son contenu et son organisation. 

Rédaction

Par deux, les élèves racontent par écrit les évènements qu'ils ont imaginés à partir du moment où Jozef sort du centre et avant qu'il ne rencontre le personnage qu'ils ont inventé. Il doivent s'approprier la manière dont le héros du roman s'exprime. Le professeur peut aider les apprenants si nécessaire et vérifie que chacun participe à la rédaction du texte. L'écriture à plusieurs les amène à négocier, à argumenter leurs propositions. D'autres intérêts de celle-ci sont évoqués ci-dessous.

Ensuite, les participants rédigent seuls la rencontre entre Jozef et le personnage inventé d'après ce qui a été planifié et en imaginant un dialogue entre eux. Si l'objet et le lieu piochés n'ont pas encore été intégrés dans leur production, il faudra y veiller. L'écriture individuelle permet de laisser libre cours à sa propre imagination.

Relecture et réécriture

Par deux, les élèves échangent leurs textes avec un autre binôme. Celui-ci les lira et notera plusieurs points positifs et quelques points à améliorer en veillant au respect des caractéristiques du genre qui ont été rappelées et de la manière dont Jozef s'exprime qui a été analysée. Ils pourront également réfléchir aux démarches de réécriture qui permettraient d'améliorer les productions : ce qui peut être ajouté, supprimé, remplacé ou déplacé. Dans ce cas-ci, ces dernières qui sont des outils au service de la réécriture font partie des prérequis des élèves. Des ouvrages de référence sont également mis à la disposition des élèves lors de cette phase. En outre, il sera important de veiller à ce que les commentaires sur les textes soient constructifs et que ceux-ci restent bienveillants, respectueux.

Chaque binôme récupère ses deux textes et les modifie, les réécrit partiellement en tenant notamment compte des commentaires de l'autre groupe.

Acte graphique

Dans un local informatique, chaque équipe dactylographie les deux textes en veillant à la mise en page pour aboutir à une production lisible et soignée. Le recueil des productions constitue une trace, un souvenir de l'atelier mené (qui pourrait être présenté à d'autres classes qui auraient lu le même roman par exemple). Il est également envoyé ou remis à Marie Colot (qui pourrait être invitée dans l'école) pour lui donner l'occasion de lire la suite de son roman imaginée par les élèves. Ce recueil pourrait donc être une source de motivation à l'écriture pour les participants.


3. Phase de communication

Par deux, les élèves lisent leurs textes à l'ensemble du groupe. Ce dernier formule des commentaires sur ceux-ci en en relevant les éléments positifs, en veillant à la bienveillance des feedbacks et à leur pertinence. Les critères d'observation des productions pourraient être identiques à ceux donnés avant l'étape de relecture. Cette socialisation peut être prévue pendant une partie de deux cours pour s'assurer de la qualité d'écoute des textes et d'attention à ceux-ci, pour éviter une lassitude des élèves qui doivent se concentrer pour écouter et commenter les productions de leurs condisciples. 


4. Phase de réaction

Les élèves et le professeur ont l'occasion de commenter les textes socialisés en en relevant les éléments positifs pour valoriser les productions de chaque groupe notamment. De plus, les productions sont rassemblées dans un recueil à conserver en classe et à transmettre à Marie Colot. 

Une analyse réflexive de l'atelier d'écriture peut être prévue à la fin de celui-ci. Par écrit et/ou oralement, les élèves peuvent répondre aux questions suivantes : 

  • Qu’est-ce qui m’a aidé à écrire ?
  • Qu’est-ce qui m’a freiné dans l’écriture ?
  • Qu’est-ce que j’ai particulièrement apprécié au sein de cet atelier ?
  • Qu’est-ce que je modifierais dans ce dernier ?
  • Qu’est-ce que je retiens de celui-ci ? Qu’est-ce que j’ai appris lors de celui-ci ? 
  • Est-ce que ma perception de l’écriture a changé ? Faut-il un don pour écrire ?

Cette analyse permet aux élèves de connaitre ce qui peut être un outil ou un obstacle pour écrire, de réfléchir à leurs représentations de l'écriture et éventuellement de changer en partie leur regard sur leurs capacités en tant que scripteurs et sur leurs productions. Ces retours des participants peuvent également permettre à l'animateur d'améliorer le dispositif mis en place, par exemple en comblant certains besoins des participants auxquels il n'avait pas pensé. Ils lui donnent également des indices pour savoir si l'atelier a pu développer leur appétence pour l'écriture. 

Cet atelier qui permet d'associer de manière intéressante lecture (d'un roman) et écriture (de sa suite) a été conçu en guidant précisément et judicieusement les élèves lors de chaque phase, ce qui peut être une manière de susciter davantage le plaisir d'écrire en veillant à ce que les consignes soient claires et réalisables par tous. Par ailleurs, cet atelier est l'occasion pour les participants d'expérimenter la rédaction d'un texte en partie à plusieurs. Dominique Bucheton a évoqué l'écriture collaborative dans son livre intitulé Refonder l'enseignement de l'écriture4.

Le rôle de l'enseignant est de créer une situation de classe comme communauté sociale, où les scripteurs se conçoivent comme partenaires, ainsi que l'environnement dont ils ont besoin pour s'engager avec confiance et dans une attitude coopérative dans l'écriture, dans un « espace hors menace »





CONCLUSION

Pour terminer, Elisa a répondu à la question suivante à propos de cet atelier : en quoi le juges-tu intéressant pour les élèves ?

J’ai décidé de me tourner vers l’écriture littéraire afin de permettre aux élèves d’écrire pour le plaisir et de leur montrer que l’on n’écrit pas uniquement pour être évalué à l’école. Je pense que l’on n’accorde pas assez de temps en classe à l’écriture littéraire et qu'elle est intéressante puisqu'ils peuvent, grâce à celle-ci, (re)découvrir l’écriture sous une autre facette.

Comme cela a été illustré dans le descriptif ci-dessus, un atelier d’écriture se déroule en suivant différentes étapes. Les participants passent d’abord par celle de planification pour ensuite se lancer dans l’écriture, réviser leur texte et enfin le mettre au net. Ces étapes permettent aux élèves d’avancer petit à petit dans l'activité et de ne pas se sentir submergés par la tâche qui leur est demandée, car l’écriture d’un texte peut faire peur à certains.

Ensuite, la présence de contraintes libératrices vise à faciliter l’écriture, elles permettent d’éviter l’angoisse de la page blanche et de stimuler la créativité des élèves. Par exemple, l’une des contraintes est de piocher un objet et un lieu au hasard et de les intégrer à l’histoire. Ainsi, lors de cet atelier, je demande aux élèves de développer leur imagination et cela peut être, en partie, facilité par des outils déclencheurs de l’écriture tels que les objets et les lieux à insérer dans le récit. Cependant, il ne faut pas que ces contraintes soient en trop grand nombre afin de leur laisser une part de liberté, la possibilité de faire appel à leur créativité.
Un autre intérêt de cet atelier d'écriture est le fait d’écrire, à certains moments, par deux. Cela représente un grand avantage pour les élèves, car l’écriture collective permet de collaborer et d’aboutir à une production souvent meilleure et plus riche qu’un texte écrit par une seule personne. La rédaction par binôme peut aussi rassurer l’élève qui n’est pas à l’aise à l’idée de socialiser seul sa production face à ses condisciples, les élèves peuvent ainsi gagner en confiance ensemble. Néanmoins, j’ai choisi que certaines tâches soient menées individuellement lors de cet atelier, car je pense que le fait d’écrire seul permet d’avancer à son propre rythme, de chercher sa manière d’écrire et de s’affirmer au sein de son texte.

Lors de l’atelier d’écriture, la phase de communication me semble, elle aussi, très importante. En effet, la socialisation constitue un véritable moment de partage pour les élèves. Je trouve qu’il est nécessaire de montrer aux élèves qu’on n’écrit pas pour faire plaisir à son professeur, mais pour que sa production soit lue ou entendue par d'autres personnes qui pourront réagir à celle-ci, dire ce qu'elles en ont pensé, et cela passe par cette étape de communication. Durant cette phase, il est très important d’insister sur la bienveillance des échanges et sur la valorisation de l’élève afin que celui-ci se sente en confiance et ait peut-être l’envie de réitérer l’expérience d’écrire et de partager son texte.

À la fin de cet atelier, les écrits des élèves sont conservés dans un recueil de textes pour garder un souvenir de ce moment partagé et je pense que le fait de voir leurs écrits intégrés dans un recueil dactylographié peut rendre fiers les élèves. Je leur assigne la responsabilité de présenter un travail bien fait et soigné : c’est, à mes yeux, une tâche motivante pour eux. Après cet activité d’écriture, j’ai imaginé que la classe pourrait recevoir l’auteure et il semble donc évident que l’une des motivations des élèves serait de rédiger leur texte en vue d’être lus par celle-ci. Cette manière de clôturer l’atelier est très importante pour moi, car je suis convaincue qu’il est nécessaire de concevoir des projets d’écriture qui peuvent redonner aux élèves l’envie d’écrire et leur permettre de reprendre confiance dans leurs capacités de scripteurs.

Enfin, par ce dispositif, je souhaite prôner le principe du « tous capables » évoqué par Odette et Michel Neumayer dans leur ouvrage intitulé « Animer un atelier d'écriture. Faire de l'écriture un bien partagé »5.  Je souhaite réellement faire prendre conscience aux élèves que chacun est capable d’écrire. C’est un défi qui, je pense, peut donner beaucoup de sens à ces ateliers d’écriture en l’explicitant en classe, même si cela prendra du temps avant que les élèves changent leurs représentations sur l’écriture et sur leurs pratiques de scripteurs.


Je remercie Elisa d’avoir accepté que vous soit présenté l'atelier d'écriture qu’elle a élaboré et j'espère qu'il pourra inspirer d'autres pratiques de littératie, ancrée dans des oeuvres spécifiques. 



Sylvie Bougelet


1.  https://mariecolot.com.

2. Boniface C. et Pimet O. (1992). Les ateliers d'écriture, Paris, Retz.

3. Kavian E. (2009). Écrire et faire écrire. Manuel pratique d'écriture, Bruxelles, De Boeck. 

4 .Bucheton D. (2014). Refonder l'enseignement de l'écriture, Paris, Retz.

5. Neumayer O. et M. (2004). Animer un atelier d'écriture. Faire de l'écriture un bien partagé,  Issy-les-Moulineaux, ESF.

Auteur

Sylvie Bougelet

Maitre-assistante en français et didactique du français. Intérêt particulier pour la didactique de l'écriture et les activités sollicitant la créativité.

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