On vous informe : journée de formation du CECAFOC (14/10/19) - deuxième partie

Une journée sur le thème « Enseigner le français aujourd'hui » a été proposée par le CECAFOC, le lundi 14 octobre dernier. Compte rendu de deux ateliers.

Cette journée de formation vous a été présentée dans la première partie de l'article paru dans le dernier numéro de la revue. Celui-ci vous invite à lire un compte rendu de deux ateliers qui ont été proposés le 14 octobre : ils étaient eux-mêmes une invitation à suivre une formation qui a été résumée ou parfois simplement présentée dans ses grandes lignes ce jour-là. Des outils susceptibles d'intéresser les professeurs de français ont été fournis. 

Si les thématiques vous intéressent, la formation complète peut donc être suivie. Rendez-vous sur le site suivant pour vous inscrire à une des formations du CECAFOC aux dates prévues ou sur demande en école (avec un minimum de 8 personnes intéressées) : http://enseignement.catholique…

Atelier : De la littérature au cinéma

Cet atelier a été animé par Daniel BONVOISIN, ancien journaliste qui travaille depuis 2006 à Média Animation. 

Il y est responsable de l’équipe d’éducation permanente. Il est également formateur d’enseignants et professeur invité à la haute école de communication IHECS pour les matières relatives aux enjeux des nouveaux médias et aux usages contemporains du jeu. Ses domaines privilégiés sont les dimensions politiques de la culture populaire à travers la fiction (en particulier le cinéma et les jeux), les enjeux des nouveaux médias, les représentations de l’actualité internationale et les questions interculturelles. Il intervient régulièrement sur ces questions lors d’ateliers, de formations ou en contribuant à des recherches et des publications.1

Lors de l'atelier du 14 octobre, il s'est concentré sur les questions suivantes : comment questionner l’adaptation de textes au cinéma ? Pourquoi travailler avec les élèves l’adaptation cinématographique ? Il s'agit donc en classe de lire des textes et voir des extraits de films réalisés à partir de ceux-ci. Il invite à mener une réflexion sur les médias (pour éviter de se limiter aux aspects esthétiques, formels), sur des questions de société en lien avec ceux-ci. 

Il a d'abord répondu à la question : « Qu'est-ce que la culture populaire ? » C'est un ensemble de médias de divertissement « consommés par les masses » : bandes dessinées, musique, films, romans,… Dans le cadre du cours de français, une séparation est souvent établie entre le gout vulgaire et le gout élitiste, et l’œuvre d’art qu’est le roman serait la plus méritoire, souvent mise sur un piédestal culturel. Il propose d'effacer cette hiérarchie, de montrer qu'il s'agit principalement d'une différence de formes. Selon lui, Harry Potter a peut-être sauvé la lecture grâce aux films adaptés des romans de J. K. ROWLING, films invitant à lire ces derniers. Un film sur deux environ est une adaptation littéraire : en réaliser un à partir d’un livre, c’est se garantir du succès. Par exemple, Game of thrones est une des séries les plus diffusées dans le monde (dans 173 pays) et est une adaptation de romans écrits par l'écrivain américain George R.R. MARTIN.2  

Aujourd’hui, la culture populaire est devenue un stock de références utilisées de plus en plus dans la communication politique, la publicité,… Par exemple, Donald TRUMP et Bart DE WEVER ont fait référence à Game of thrones. Elle est un élément important sur le plan culturel, d’où l’importance de la critiquer. Daniel BONVOISIN ajoute qu'elle est essentiellement anglo-saxonne et industrielle. On est dans un monde globalisé et cette origine anglo-saxonne a une influence sur elle (elle représente l'univers occidental). Il s'interroge sur la place des autres cultures dans ce cadre.  

Par ailleurs, il observe une légitimation de la culture populaire dans le monde académique. En effet, il y a trente ou quarante ans, réaliser une étude de thèse sur cette dernière était impensable. Aujourd’hui, des colloques entiers sont dédiés à celle-ci (à une série télévisée, à un jeu par exemple). 

Daniel BONVOISIN a ensuite présenté les 6 dimensions de l'éducation aux médias, grille qui s’applique à un film, un livre, un site web,...  Celles-ci sont les suivantes :  

  • le producteur,
  • le public, 
  • les langages, 
  • les technologies, 
  • les représentations, 
  • la typologie. 

1) Le producteur

Il s'agit de se demander qui a produit le média. Daniel BONVOISIN fait remarquer que pour qu'un média soit considéré comme un art, il faudrait un auteur. De ce fait, le cinéma a dû se rendre légitime puisqu'avec ce média, on n'a pas un auteur. Dans le cas des films populaires, on ne connait pas le réalisateur. En réalité, derrière un film, il existe de nombreux auteurs : le scénariste, les musiciens, …  Le public s'en rend compte en voyant le générique, longue liste de professionnels, de techniciens qui ont réalisé le film.  

Par contre, le roman est l’émanation d’un auteur qui est « maitre » de son livre. Mais, le film est-il l’émanation d’un réalisateur, d’un acteur, d’un musicien ? Il est intéressant de se demander ce qu'implique le passage d’un auteur à une équipe qui crée le film. Daniel BONVOISIN fait remarquer les différences de couts de production de la littérature et du cinéma, ce qui explique que certains pays ne produisent pas de films. Éditer un roman amène un risque de 10 000 euros. Pour le film, le risque s'élève à minimum 100 000 euros (tous les techniciens doivent être payés).

Autre question soulevée : comment passer de la description des paysages en quelques lignes dans le roman à leur représentation dans un film ? De ce fait, il est presque impossible d'adapter certains romans au cinéma. Daniel BONVOISIN signale également que la littérature française est facile à mettre en scène (elle se caractérise par la place importante de la psychologie dans les romans), mais la littérature d’aventures est beaucoup plus couteuse. La question de l’argent est, on le voit, le nerf de la guerre pour le cinéma, plus de risques peuvent être pris avec la littérature.

De plus, dans le cinéma, les distributeurs ont le droit de donner leur avis sur le film, ce qui n’existe pas dans la littérature : les libraires ne donnent pas leur avis sur le roman. Par exemple, la fin d’origine de Pretty woman était trop triste : un drame social dur est ainsi devenu une comédie romantique. Les différents facteurs ci-dessus expliquent que la littérature est plus foisonnante, plus riche. Au cinéma, la priorité est que le film plaise au public.

 

2) Le public

En littérature, l’auteur élabore une stratégie pour communiquer son récit à un lecteur modèle. Umberto ECO, théoricien de la réception, dit qu’une œuvre (un roman, un film) n’existe que s’il y a un public. En outre, le romancier a besoin de partager avec son lecteur une même « encyclopédie » (par exemple, il est nécessaire de connaitre Bruxelles pour comprendre un livre qui en parle).  

Une question à se poser concernant cette dimension de l'éducation aux médias est : comment le public va-t-il influencer le sens de l’œuvre ? Le roman peut prendre une signification que l’auteur n’a pas imaginée : le public peut donc, en quelque sorte, créer l’œuvre. Par conséquent, la question « quel est le sens de l'oeuvre pour le public ? » doit être posée dans le cas des adaptations de romans au cinéma. 

 

3) Les langages 

Avec cette dimension de l'éducation aux médias, les questions à se poser sont notamment : comment ai-je compris ce que j’ai compris ? Par quels processus de langage l’œuvre se donne-t-elle à comprendre ? Quand on passe du texte au film, on passe d'une langue écrite à des langages cinématographiques (jeu de l’acteur, musique, effets spéciaux).  

Certains textes sont plus difficiles que d'autres à analyser, à comprendre. Le club des cinq est facile à comprendre ; par contre, Ulysse de James JOYCE est difficile d'accès et inadaptable au cinéma. Dans ce cas, c’est la manière dont la langue est employée qui rend le texte inadaptable. De même, Voyage au bout de la nuit de CÉLINE ne peut être adapté au cinéma : on ne peut traduire « l’effet de langue » dans ce livre au cinéma. Dans le cas contraire, les films de Louis DE FUNÈS sont liés au jeu de l’acteur, ils ne pourraient pas être écrits, ils ne seraient pas drôles s'ils l'étaient.  

4) Les technologies

Le roman est lié à la technique de l’imprimerie qui est assez simple, il est né de la possible massification de l’écrit au XIXe siècle. Quant à lui, le cinéma n’a existé qu’avec la technologie qui permet de capter les images, de les animer : on est passé du muet au non-muet, du noir et blanc à la couleur, puis à la 3D. Si une prise pose des problèmes, c’est généralement à cause de la technique : celle-ci rend possible le film, mais elle peut également lui mettre des bâtons dans les roues. En effet, l’imagination du réalisateur est bridée au cinéma à cause des problèmes techniques à gérer : ce que le réalisateur a en tête peut, souvent, difficilement être filmé. De plus, une adaptation d'un roman au cinéma peut échouer pour des problèmes de ce type.

Daniel BONVOISIN a évoqué Netflix, une révolution actuelle du cinéma selon lui. Netflix « tue » la chronologie médiatique : auparavant, le film sortait d’abord au cinéma ; maintenant, on peut choisir directement le film dans le catalogue de Netflix. Il se demande si la littérature ne va pas être « netflixisée » (un e-book peut être choisi sur Amazon), si cette possibilité va amener des personnes à se (re)mettre à lire.  De même, « Scribd » est un site de partage de documents en ligne qui est actif depuis 20073et qui propose notamment un catalogue de bandes dessinées dans lequel le lecteur peut choisir parmi des nouveautés.

5) Les représentations

Dans le cadre de cette dimension, il s'agit de se demander : comment l'œuvre représente ou prétend représenter le réel (par exemple, l’Antiquité) ? Quels stéréotypes sont éventuellement véhiculés ? Par exemple, qu’est-ce que le film (celui mettant en scène James Bond en particulier) dit de la femme ? Autre exemple : dans les films adaptés des romans sur Harry POTTER, Hermione représente le stéréotype de la petite écolière qui fait écho à l'image de celle-ci dans notre culture. Dans une pièce adaptée de ces mêmes romans, une femme noire a été choisie pour représenter Hermione, ce qui a choqué le public puisque l’image d’une écolière de Grande-Bretagne est celle d'une jeune fille blanche.

Daniel BONVOISIN a également évoqué le fait que le cinéma montre beaucoup, donc une question à se poser est : comment passe-t-on d’une représentation suggérée dans le texte au film où il faut « combler les trous » ? Par exemple, les élèves peuvent comparer le film mettant en scène Roméo et Juliette (héroïne de 12 ans chez SHAKESPEARE) des années 50 et celui avec Leonardo DI CAPRIO plus contemporain. Les stéréotypes employés dans les films (notamment adaptés de romans) peuvent être questionnés en classe, mais certains films peuvent être en rupture avec les stéréotypes (par exemple, pourquoi ne pas transformer James Bond en une femme ?).

6) La typologie

Concernant cette dimension, une des questions à se poser peut être : quel est l’horizon d’attente d'après le genre de films ou de romans dont il s'agit ? Les genres littéraires et cinématographiques constituent des familles d’œuvres voisines qui partagent des points communs à faire découvrir aux élèves. Le genre peut donc être ce qui leur fait dire qu'ils vont ou ne vont pas aimer un film.

À ce propos, une autre question est la suivante : comment un roman ou un film s’annonce-t-il ? Par exemple, l'affiche d'un film peut donner une indication sur son genre de même que le nom de l’auteur sur une première de couverture peut donner une indication sur le genre de romans dont il s'agit. Daniel BONVOISIN a signalé (en lien avec ce qui a été évoqué sur le producteur ci-dessus) que sur la première de couverture, en littérature, on parle de l’auteur tandis que sur l’affiche, au cinéma, on ne parle pas nécessairement du réalisateur.  

Enfin, une dernière question est : comment passe-t-on du genre littéraire au genre cinématographique ? Parfois l'adaptation d'un roman s'avère difficile de ce point de vue. L’écume des jours de Boris VIAN est un roman d'un genre compliqué à définir. Dans la bande-annonce du film de 2013, le réalisateur a tenté de donner corps à la folie du livre et tout a été fait pour susciter l'intérêt du public (casting hors de prix notamment), mais le film fut un échec sur le plan financier. Dans ce cas, le texte (son genre notamment) rendait l’adaptation impossible. De même, il semble difficile d'adapter les livres du Nouveau Roman au cinéma.    

Selon Daniel BONVOISIN, l'objectif final de l’analyse des films adaptés de romans avec cette grille incluant ces six dimensions est de permettre aux élèves de voir autrement la littérature, de les ouvrir peut-être à d’autres dimensions que celles évoquées habituellement lors des cours de français.

  



Atelier : Oser le numérique en classe de français 

Cet atelier a été présenté par Sylvie VANHECKE, conseillère pédagogique et par Pierre LAOUREUX, conseiller pédagogique spécialiste du numérique à la FESeC. Les formateurs ont commencé par rappeler que le numérique fait partie du programme de français (notamment celui des 2e et 3e  degrés du qualifiant de 2014), mais qu'il engendre parfois des difficultés sur le plan pratique, technique. 

Ils ont présenté différents outils exploitables par les enseignants, ceux de français en particulier : 

  • le réseau Numacte (qui vise à améliorer l’apprentissage des élèves à travers le numérique et le travail collaboratif). 

Des dispositifs liés au numérique ont été expérimentés à partir d’une activité difficile pour les élèves (une difficulté d’apprentissage à tenter de solutionner avec le numérique) : les apprentissages qu'ils ont permis et la plus-value du numérique ont été questionnés. Par exemple, un travail autour de la recherche documentaire a été mené avec Google Classroom qui peut être, semble-t-il, assez facilement manipulé grâce à des tutoriels. Classroom aide les élèves et les enseignants à organiser les devoirs, à renforcer leur collaboration et à améliorer leur communication.4 Selon les formateurs, il permet à chacun de travailler à son rythme et motive les élèves à travailler.

Dans le dispositif sur la recherche documentaire, les élèves ont, par exemple, créé une vidéo qui explicite les procédures permettant de vérifier la fiabilité d’un site. Cette production des élèves est liée à l'« UAA 0. Compétence réflexive : justifier, expliciter »(ici des procédures) du programme de français des 2e et 3e  degrés du qualifiant de 2014. 

Il a été créé par une enseignante en CEFA et il présente des exemples d’applications en classe (notamment dans le cadre d'un parcours sur le street art, d'une lecture collaborative, de la création d'un site web sur un métier de rêve, d'une activité intégrant une vidéo interactive avec un écrivain invité qui n'avait finalement pas pu se rendre en classe).

D'autres outils (qui sont parfois au départ gratuits, mais dont certains deviennent payants) ont été présentés : ils sont souvent une source de motivation pour les élèves.     

  • LearningApps (https://learningapps.org/) est une bonne source d’inspiration : il propose des activités en ligne en lien avec les différentes disciplines scolaires et il est possible de s'en servir sans créer un compte. Il s'agit d'activités créées par des professeurs ou parfois par des élèves, donc toujours à vérifier.
  • Des outils de présentation de cours : 

- Genially (https://www.genial.ly/fr) qui permet d'intégrer dans cette présentation des vidéos, des points correspondant à des textes dans un tableau d’un peintre, par exemple. Il est gratuit, mais les fonctions plus sophistiquées sont payantes.  

- Padlet (https://padlet.com/) qui est partiellement gratuit.  

  • Un autre outil a été évoqué : il s'agit de WebDed (https://webdeb.be/) qui est une plateforme utilisable en classe (dont une nouvelle version est prévue pour fin janvier 2020), un outil gratuit pour traiter avec rigueur l’information, rendre compte des arguments mis en évidence lors d'un débat par exemple, extraire de textes des citations qui sont des arguments et classer ceux-ci.  
  •  Le site de l'enseignement catholique relatif au numérique : dintic.be (http://dintic.reseauxlibres.be...). Cet espace créé par les conseillers techno-pédagogiques propose une lettre mensuelle d’informations à laquelle les enseignants peuvent s’inscrire pour recevoir des informations sur les nouveautés, les changements, les outils utiles et certains événements concernant le numérique). 


Les formateurs ont terminé leur atelier en indiquant que le numérique constitue un outil parmi d’autres et en proposant de faire des smarthphones en classe des outils (à employer sous la supervision d'un professeur) et non des objets interdits dans les écoles. Cette dernière proposition ne semblait pas étrangère à une des enseignantes qui participait à l'atelier : elle a évoqué une activité menée en classe avec cet outil qui a permis aux élèves de se filmer. 

Si le numérique vous tente, voici la description de la formation proposée par le CECAFOC (http://enseignement.catholique...) : 

Oser le numérique au cours de français : c'est possible, je l'ai fait dans mes classes ! Mener une recherche documentaire, créer la page facebook fictive d'un peintre, pratiquer la lecture collaborative... c'est possible, je l'ai fait dans mes classes ! Lors de cette formation, différentes expériences réalisées dans des classes de français avec le numérique vous seront présentées, avant de vous laisser à la manœuvre, et de vous proposer de revisiter et de tester une de vos séquences de cours, avec un ou des outils numériques.



 Sylvie BOUGELET


1  https://media-animation.be/_Da....

2  https://fr.wikipedia.org/wiki/... 

3    https://fr.scribd.com/; https://fr.wikipedia.org/wiki/...

4   https://edu.google.com/intl/fr...

 

 



Auteur

Sylvie Bougelet

Maitre-assistante en français et didactique du français. Intérêt particulier pour la didactique de l'écriture et les activités sollicitant la créativité.

Réagissez à cet article

Derniers articles

Exploitation de l'album « L’Argent » avec des élèves de 3e commune

Visite à la Foire du Livre

Lire, le propre de l’homme ?

Album (37) : « Le petit robot de bois et la princesse bûche » de Tom Gauld

Lire un classique en BD : tremplin pour la lecture ou sacrifice pour l'imagination ?