Faire face à  l'inattendu (2) : quelques propositions supplémentaires d'activités brèves

Quelques idées pour alimenter sa boite d'activités de secours, bien utile, par exemple, lorsqu'il s'agit de combler les dernières minutes d'une leçon ou d'aménager une respiration.

Dans un précédent article1, rappelant que tout enseignement est en équilibre entre prévision et imprévisibilité, je suggérais aux enseignants, novices ou plus expérimentés, de se constituer un stock d'activités brèves, une boite de « secours » qui leur permettrait de faire face à l'inattendu, de se préparer à improviser. Lorsqu'il s'agit de combler les dernières minutes d'une leçon, de remplacer, dans le feu de l'action, une activité jugée inadaptée, ou encore d'aménager une respiration au sein d'une séance qui s'avère un peu longue pour les élèves, les activités brèves constituent des outils intéressants.

Les quelques exemples concrets d'activités que j'ai donnés, inspirés pour la plupart de l'ouvrage Five-Minute Activities de Penny UR et Andrew WRIGHT2, sont faciles à mettre en œuvre puisque, en plus d'être brèves, ces activités se veulent simples et nécessitent très peu de matériel. 


Quelques nouvelles propositions d'activités à glisser dans sa boite à outils 

Voici quelques nouvelles idées qui permettront d'étoffer la boite à activités brèves. Tirées de l'ouvrage de Penny UR et Andrew WRIGHT ou inspirées du monde des jeux, elles permettent de travailler ou d'exercer différentes compétences liées à la discipline « français ».

Des activités pour stimuler la créativité, faire émerger des idées et inventer des histoires

  • Les associations ou chaines de mots 
  1. Proposer aux élèves un mot évocateur tel que, par exemple, « tempête », « feu », « chaleur », « colère » ou un mot  récemment découvert en classe.
  2. Déterminer l'ordre dans lequel les élèves prendront la parole. 
  3. Inviter le premier élève à donner le premier mot qui lui passe par la tête lorsqu'il entend le mot choisi comme point de départ de la chaine de mots. 
  4. Demander à l'élève suivant de procéder de la même manière, mais au départ du mot prononcé par le premier élève. 
  5. Continuer la chaine de cette manière (chaque élève réagit au mot prononcé par celui qui le précède dans la chaine) jusqu'à ce que chacun ait pu proposer un mot.
  6. Après une vingtaine d'associations, une fois la chaine terminée, écrire au tableau le mot de départ et, à côté de celui-ci, le dernier mot proposé. Examiner avec les élèves ces deux mots et s'interroger sur les liens qu'ils peuvent entretenir l'un avec l'autre. 
  7. Inviter les élèves à reconstruire la chaine de mots, à expliciter les associations d'idées effectuées aux différentes étapes de celles-ci et à proposer d'éventuelles alternatives. Il est probable que les élèves s'étonnent des mots choisis par les autres et proposent des pistes différentes. 

Cette activité est centrée sur les associations d'idées et le travail du vocabulaire. Elle permet notamment de prendre conscience qu'un même mot peut évoquer des choses différentes. Par exemple, le « feu » et la « chaleur » peuvent être connotés positivement ou négativement. 


  • Histoire collaborative 
  1. Distribuer à chaque élève un mot ou une image (qui sera dévoilé(e) par la suite) et prévoir un bâton de parole ou n'importe quel autre outil permettant de distribuer facilement la parole. 
  2. Au départ d'un mot ou d'une image pioché(e) dans le stock restant, inventer et raconter le début d'une histoire. Après avoir réalisé l'activité une ou deux fois, on peut confier à un élève le rôle de premier narrateur, chargé de débuter le récit. 
  3. Donner la parole, via le bâton de parole ou l'outil choisi, à un élève. Celui-ci est chargé de poursuivre le récit en s'inspirant du mot ou de l'image qu'il a reçu(e) et en veillant à  la cohérence.
  4. Le nouveau narrateur donnera ensuite la parole à l'élève de son choix pour que ce dernier continue le récit. 
  5. Et ainsi de suite jusqu'à clôturer le récit. 
  6. On pourrait imaginer un prolongement en lien avec le schéma narratif : repérer avec les élèves les grandes étapes du récit et revenir sur les structures langagières utilisées spontanément pour marquer les articulations et la progression du récit (ex.  « Un jour, ... », « Soudain », « Depuis ce jour », etc.). Ce relevé pourrait donner lieu à une fiche-outil qui serait complétée progressivement, grâce à la découverte de différents textes narratifs.

Cette activité peut être réalisée en groupe-classe, mais aussi par petits groupes. Elle permet de travailler à la fois l'écoute et la parole puisque, pour poursuivre de manière cohérente le récit entamé par les élèves qui le précèdent, le narrateur doit prêter attention aux éléments et aux actions évoqués. Les mots et/ou les images distribué(e)s au début de l'activité ont un statut de « lanceurs » : ils constituent une contrainte libératrice. 


  • Comment j'ai adopté un gnou, un jeu de Yves HIRSCHFELD et Fabien BLEUZE (Le droit de perdre, 2017)

Ce jeu se compose de quelques cartes sur lesquelles apparaissent des situations numérotées (ex.  « J'ai inventé un nouveau sport », « Mon dentiste est fou », « J'ai été vigile dans un supermarché au rayon yaourts »), de deux dés numérotés et de plusieurs dés reprenant différents connecteurs (ex. « or », « c'est pourquoi », « l'autre jour », « du coup », « c'est comme ça que », « la prochaine fois »). Le principe est simple : au départ d'une situation, le narrateur est amené à raconter une histoire de son invention en utilisant tour à tour chacun des six dés-connecteurs. Ceux-ci l'aideront à construire son récit. 

  1. Proposer à un élève d'endosser le rôle de narrateur et l'inviter à lancer les dés numérotés. 
  2. Énoncer les deux situations correspondant à la combinaison obtenue (ex. 1 et 2 = 12 ou 21) et laisser l'élève-narrateur choisir celle qui l'inspire le plus. 
  3. Disposer devant l'élève-narrateur les six dés-connecteurs dans un ordre précis, du plus clair au plus foncé. 
  4. Inviter l'élève à lancer le premier dé qui lui permettra de débuter son récit (en utilisant les mots indiqués sur le dé). 
  5. Quand il en ressent l'envie ou le besoin, le narrateur lance les autres dés-connecteurs un à un, en respectant l'ordre établi. Il continue ainsi son récit en y intégrant les connecteurs obtenus. Le dernier dé lui permettra de conclure son histoire. 

Cette activité peut être réalisée en groupe-classe ou par petits groupes. Outre le travail d'invention et de construction de récits improvisés, elle permet une réflexion sur le rôle et l'utilité des connecteurs. En lien avec la fiche-outil suggérée en guise de prolongement à l'activité « Histoire collaborative », on pourrait amener les élèves à créer leurs propres dés-connecteurs. 


  • NonSense (Asmodee, 2010)

Ce jeu se compose de deux types de cartes : les cartes « situations » et les cartes « vocabulaire ». Alternativement, les joueurs racontent en une minute une histoire de leur invention, totalement improvisée au départ d'une situation déterminée. Il s'agira d'intégrer au récit un mot imposé en mettant tout en œuvre pour que celui-ci passe inaperçu. Les auditeurs auront pour mission d'identifier le mot que le narrateur a tenté de camoufler ou de noyer dans son récit. 


  1. Choisir ou désigner un narrateur et un élève chargé de sélectionner, au départ d'une carte  « situations », la situation sur laquelle se fondera le récit. 
  2. Pendant que le second élève prend connaissance des situations proposées et effectue un choix, sélectionner au sein d'une carte « vocabulaire » le mot que le narrateur devra intégrer à son récit (cette tâche peut être confiée à un élève, mais celui-ci ne pourra alors pas prendre part au jeu). 
  3. Confier la carte « vocabulaire » au narrateur et lui mentionner, via le numéro qu'il porte, le mot choisi. 
  4. Inviter le second élève à lire à haute voix la « situation » qu'il a sélectionnée pour le narrateur. 
  5. Le narrateur dispose alors d'une minute pour inventer oralement une histoire en veillant à y intégrer le mot imposé. 
  6. Une fois le récit terminé, inviter les auditeurs à répertorier les mots qui leur semblent suspects parmi lesquels pourrait se trouver le mot imposé. Demander à chaque élève de mentionner le mot qui lui parait le plus suspect. 
  7. Confronter les propositions des élèves à la carte « vocabulaire ». 
  8. Inviter les élèves à réfléchir aux stratégies utilisées par le narrateur pour « cacher » le mot et à celles utilisées par les auditeurs en vue d'identifier ce dernier. Évaluer ces stratégies. 

Cette activité permet de travailler la parole, mais aussi l'écoute. Elle vise bien entendu à  développer la créativité et l'inventivité des élèves, mais elle permet aussi un intéressant travail du vocabulaire. Pour intégrer le mot imposé, il est nécessaire de le comprendre et d'identifier les contextes dans lesquels il peut être utilisé. Parmi les stratégies dont dispose le narrateur, on peut mentionner l'énumération ou le recours au champ lexical. 


Des activités pour manipuler les notions grammaticales et les structures syntaxiques

  • Le jeu du détective
  1. Demander à un volontaire de sortir quelques secondes de la classe. Il endossera le rôle de détective. 
  2. Confier à un élève un petit objet symbolisant un crime (par exemple une pièce de monnaie pour représenter un vol), qu'il pourra dissimuler sur lui. Il devient ainsi le criminel recherché par le détective. 
  3. Faire entrer le détective et donner à l'ensemble de la classe quelques indications sur le crime commis (nature du crime, lieu, heure, indices retrouvés, etc.). 
  4. Inviter les élèves à se promener dans la classe et le détective à interpeler ceux de son choix en vue de les interroger. Préciser dès le départ qu'une même question ne peut être posée deux fois de la même manière. Le détective sera ainsi obligé de varier le vocabulaire, mais aussi les structures interrogatives. Confier à la classe, également dès le début de l'activité, une tâche d'écoute consistant à répertorier les questions, les structures interrogatives utilisées par le détective. 
  5. Après avoir laissé le temps au détective de questionner les élèves, l'inviter à nommer trois suspects. 
  6. Demander aux suspects de se placer face au détective afin que celui-ci puisse tenter d'identifier le coupable en observant le comportement de chacun des trois suspects. 
  7. Vérifier les accusations du détective en invitant le criminel à présenter le petit objet reçu au début de l'activité.
  8. Une fois le jeu terminé, lister avec les élèves les structures interrogatives utilisées par le détective, les noter au tableau de manière à pouvoir les observer, les classer et, éventuellement, en proposer d'autres. 

Cette activité, relativement ludique, peut constituer un point de départ, une phase permettant de « (re)découvrir » les structures interrogatives avant de les travailler de manière plus approfondie, ou, au contraire, une activité d'exploitation, d'emploi, des structures travaillées précédemment. 


  • Réduire des textes en chassant les expansions
  1. Choisir un court texte qui présente plusieurs exemples intéressants d'expansions du nom, de l'adjectif, etc. et le projeter au tableau. 
  2. Inviter les élèves à identifier les mots ou groupes de mots qu'ils pourraient supprimer sans rendre les phrases incorrectes d'un point de vue syntaxique.
  3. Distinguer les expansions pointées par les élèves du reste du texte (en les barrant, en les soulignant ou en les mettant en couleur). 
  4. Inviter les élèves à examiner ces expansions, à expliquer pourquoi ils estiment pouvoir les supprimer et à déterminer le rôle qu'elles jouent chacune au sein des phrases.
  5. En guise de prolongement, on pourrait réaliser l'exercice inverse : au départ de phrases très simples, réduites au minimum, inviter les élèves à ajouter des expansions et à analyser le résultat. 

Cette activité permet de prendre conscience que les éléments de la phrase n'occupent pas tous des fonctions essentielles, mais aussi de mesurer l'intérêt des expansions pour préciser, détailler et nuancer les propos. Comparer la version du texte comprenant des expansions avec celle réduite au stricte minimum peut aussi mener à une réflexion en lien avec la lecture (en termes de compréhension, d'interprétation, mais aussi de plaisir). 



Pour conclure 

Les activités brèves, faciles à mettre en œuvre et pour la plupart ludiques, constituent de précieux outils pour faire face aux évènements inattendus qui surviennent inévitablement dans la classe. Elles permettent la sensibilisation à de nouvelles notions, savoirs ou savoir-faire ou l'exploitation de ceux-ci. Elles peuvent être utilisées de manière isolée, sans être directement liées à la séquence en cours, ou être davantage intégrées aux apprentissages visés par la séquence.


Anne-Catherine WERNER



https://dupala.be/article.php?...

2 UR Penny et WRIGHT Andrew (1992). Five-Minute Activities. A ressource book of short activities. Cambridge. Cambridge University Press. 

Auteur

Anne-Catherine Werner

Maitre-assistante en français, didactique du français, assistante de formation en didactique du français langue première (ULiège). Intérêt particulier pour la lecture, l'écriture, la langue française, le cinéma, le théâtre, la photographie et les arts plastiques.

Réagissez à cet article

Derniers articles

Atelier autour du conte « Le petit pain au fil rouge »

Coups de cœur pour cet été

Album (38) : « Les doigts coupés » de Hannelore Cayre

Accueil de l'autrice Béatrice Renard

Exploitation de l'album « L'Argent » avec des élèves de 3e commune