S'informer sur l'accord avec le Mercosur dans le cadre du programme de français du tronc commun
Cet article suggère, en lien avec l'un des prescrits du nouveau programme de français de 1re secondaire (enseignement catholique), des activités de réception autour d'une question d'actualité, l'accord avec le Mercosur.
Parmi les enjeux transversaux du tronc commun et par conséquent du cours de français, figure la nécessité de « construire une citoyenneté commune, en lien avec les défis de notre époque : climat, développement durable, démocratie, numérique…1 » Or, à une époque où les préoccupations environnementales ne semblent plus être à l’ordre du jour, une piqure de rappel s’impose dès lors que l’Union européenne (UE) envisage de ratifier un accord de libre-échange avec plusieurs pays d’Amérique du Sud, le Mercosur, accord commercial dont on pressent le potentiel de nuisance en termes de dérèglement climatique.
Et si, à l’heure d’une COP brésilienne qui s'est conclue par un accord décevant, on invitait les élèves à décrire et expliquer, à l’occasion d’une série d’exposés présentés par deux, des évènements d’actualité en lien avec le climat ou l’environnement ? D’autant que le nouveau programme du tronc commun pour le français (1re secondaire), que je me permets d’abréger, dans le cadre de cet article, en PFTC-S1, nous y invite explicitement, en prescrivant, parmi les tâches à évaluer, la présentation orale, « seul ou en groupe », d’« un exposé informatif, accompagné d’un support (numérique ou non)2 ». Parmi les sujets à traiter, liés de près à notre environnement, on peut citer la COP 30 (et les COP en général), la pollution générée par l’automobile, la consommation des biens électroniques, l’alimentation, l’avenir de l’aviation, la guerre pour les métaux rares dans l’est du Congo, la fast fashion, etc.
Je propose, au fil de cet article, de mettre en parallèle les suggestions et injonctions du PFTC-S1 et quelques documents nécessaires à une compréhension globale de l’accord commercial avec le Mercosur, abordés et traités en vue de concevoir un exposé.
Un processus de communication
Le PFTC-S1 insiste sur la nécessité d’ancrer les savoirs et savoir-faire dans les étapes qui constituent le « processus de la communication3 ».
Accomplir un acte de communication implique de passer par trois étapes plus ou moins conscientes, distinctes et chronologiques. Dans un premier temps, on « oriente » sa lecture, son écoute, sa production écrite ou sa prise de parole : on leur donne un objectif, on se définit un projet, on analyse le cadre de la communication et on tient compte de certains des paramètres de ce cadre, comme le destinataire, le lieu ou encore l’intention de la communication. Ensuite, on « construit » du sens, en réception (on se construit une représentation mentale du sens global de ce que l’on écoute ou lit) ou en production (on parle, écrit, pour produire du sens) et enfin on « apprécie, réagit [à], révise » sa compréhension ou sa production.
Ces trois étapes, bien que chronologiques en théorie, sont en réalité itératives et non successives dans le processus de communication. Le projet (1re étape) peut s’affiner au cours de la production (2e étape) et la révision (3e étape) peut être régulière, réalisée suite à chaque stade de la construction. Comme en témoignent les lignes qui suivent, la maitrise de ce processus par l’élève doit l'aider à gérer ses tâches de communication plus ou moins complexes.
L'objectif d’automatiser ce processus et d’inscrire les savoirs et savoir-faire dans chacune des trois étapes est ainsi d'amener l'élève, au fil de sa scolarité, à construire une compétence métacognitive de moins en moins couteuse en énergie. Cela participe aussi à affiner son fonctionnement dans les apprentissages, à réguler les stratégies4...
Orienter son exposé
Planifier un exposé implique dans un premier temps d’analyser la situation de communication : il s’agira essentiellement d’identifier les paramètres du contexte de communication (à qui allons-nous nous adresser et avec quelle intention précise ? De combien de temps dispose-t-on ? Quelles sont les caractéristiques du genre à produire (l’exposé) ? De quels supports allons-nous disposer ? Comment et où rechercher de la documentation ? Comment allons-nous planifier notre action ?...). Dans l’esprit du programme, toutes ces questions doivent être suscitées par les élèves eux-mêmes, dans la perspective d’en faire des communicants autonomes. Néanmoins, un tel questionnement s’apprend : c’est le rôle de l’enseignant d’évoquer (de façon transmissive ou plus inductive), le premier, ces questions.
Lire pour construire du sens (et nourrir son exposé)
Dans la cadre d’un exposé oral, la construction du sens s’effectue à travers plusieurs actions concrètes : sélectionner, au moyen d’une lecture « survol », des documents pertinents (et en vérifier les sources), extraire l’essentiel de ces documents, mettre en forme ces informations essentielles et les ordonner, concevoir un support pertinent et s’entrainer à mettre en voix son message… Avec tout ce que cela suppose en termes de savoirs et de savoir-faire.
Des ajustements (suppressions, ajouts, amendements…) pourront être effectués à la suite des premières répétitions de l’exposé ou lors de la préparation de la prestation orale en elle-même.
La structure dominante de l’exposé étant explicative5, celui-ci organise son message autour des questions qui/quoi ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? De telles balises sont précieuses au moment de documenter l’exposé, étape à laquelle je consacre cet article.
Qui est concerné par l'accord avec le Mercosur ? De quoi s’agit-il ?
Une recherche sur Internet fournira un début de réponse à cette question, voire une réponse complète si la recherche est bien menée. En outre, une telle recherche fournit l’occasion de poursuivre l'une des six visées transversales du programme6, « développer une pensée critique et complexe ». En effet, pour l’élève, il s’agira de dépasser les simples généralités et de « trouver, traiter et évaluer des sources d’informations fiables, quel que soit le support, y compris numérique7 ».
Soit le passage suivant, que l’on peut lire sur le site touteleurope.eu8 :
Destiné à libéraliser les échanges entre l'UE et quatre pays d'Amérique latine, le traité commercial avec le Mercosur a été signé le 6 décembre 2024. Adopté le 3 septembre 2025 par la Commission européenne, il doit encore être approuvé par les Vingt-Sept et le Parlement européen avant d'entrer en application9.
J'y ai souligné les réponses à nos questions initiales. Néanmoins, dans le cadre d’un exposé explicatif, il convient de savoir de quoi on parle précisément. Affinons alors l'analyse, en explicitant les termes mis en évidence dans le texte ci-dessus.
Qu'est-ce que le Mercosur ?
Le "marché commun du Sud", ou Mercosur, est un espace de libre circulation des biens et des services en Amérique latine. Il regroupe aujourd'hui cinq pays : l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay, ainsi que la Bolivie en tant que membre associé. Cette dernière y a adhéré mi-2024 et dispose de plusieurs années pour adopter les règles du Mercosur. Elle devra ainsi pleinement achever son accession au marché commun sud-américain avant de devenir un partenaire commercial de l'UE dans ce cadre10.
Le texte qui précède fournit également l’occasion de faire le point sur l’Union européenne, ses pays membres, ses institutions principales ainsi que leurs rôles respectifs.
On apprend ainsi que l’UE compte actuellement 27 états membres. On pourra rapidement en dresser la liste (pays et capitales respectives) en sollicitant les connaissances des élèves et en s’aidant d’une carte muette11 que l’on projettera à l’écran. On procèdera évidemment de même pour les pays d’Amérique du Sud12 concernés par le traité : l’Argentine, l'Argentine, le Brésil, le Paraguay, l'Uruguay et la Bolivie.


Je laisse aux enseignants le soin de préparer ces cartes. S’il vous semble que vous empiétez, en situant des pays sur une carte, sur les plates-bandes de votre collègue d’étude du milieu, dites-vous que de nombreux étudiants du supérieur (et d’adultes) peinent encore à énumérer les membres de l’UE (et à fortiori des pays d’autres continents) et à les situer les uns par rapport aux autres. Consacrer une dizaine de minutes à ancrer de telles données, relevant de la culture générale, dans de jeunes mémoires me parait relever de la responsabilité de tous les enseignants.
Quand l’accord avec le Mercosur entrera-t-il en vigueur ?
L’accord a été adopté par la Commission européenne en septembre 2025. Or, le processus législatif de l’UE exige que le texte soit encore ratifié par d’autres instances. En effet, comme l’indique l’infographie ci-dessous, les propositions de loi émanant de la Commission européenne doivent recevoir l’accord du Parlement ainsi que l'approbation des 27 ministres concernés par la loi (Conseil de l’Union européenne).
Afin de faire le point sur les institutions européennes, l’on pourra partir de l’infographie suivante13, que l’on trouve sur le site du Parlement européen.

Comment libéralise-t-on des échanges commerciaux ?
Le traité commercial entre l'UE et le Mercosur prévoit d'éliminer plus de 90 % des droits de douane imposés par le Mercosur et l'UE aux produits venant de part et d'autre de l'Atlantique. Le marché européen s'ouvrirait ainsi plus largement aux produits agricoles sud-américains, sur la base de quotas progressivement introduits. À terme, ce sont ainsi 99 000 tonnes de bœuf par an qui pourraient par exemple entrer en Europe à un taux préférentiel (7,5 %), ainsi que 60 000 tonnes de riz et 45 000 tonnes de miel sans obstacles tarifaires.
Les droits de douane du Mercosur seraient quant à eux progressivement éliminés sur les voitures, les machines, la chimie, les vêtements, le vin, les fruits frais ou encore le chocolat venus d'Europe14.
Pourquoi un tel accord ?
Ecoutons Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne :
« Nous poursuivons nos efforts de diversification commerciale, développons de nouveaux partenariats et créons de nouvelles opportunités d’affaires. Les entreprises européennes et le secteur agroalimentaire de l’UE bénéficieront immédiatement de droits de douane réduits et de coûts moindres, contribuant ainsi à la croissance économique et à la création d’emplois », s'est félicitée la cheffe de l'exécutif européen, Ursula von der Leyen15.
Il s’agirait donc de développer le commerce (« nouvelles opportunités d’affaires ») et de cette manière, d’augmenter la croissance économique des pays concernés ainsi que le taux d’emploi. Somme toute, cet accord serait donc profitable à tous…
Ecouter pour enrichir le sens construit
Le PFTC-S1 insiste sur la nécessité d’articuler les genres avec les quatre visées disciplinaires du français que sont écrire et parler d'une part (visées de production), lire et écouter d’autre part (visées de réception). En outre, il suggère d’expliciter les savoirs et savoir-faire communs aux différentes visées, dans l’objectif de faciliter chez l’élève le transfert des apprentissages. Ainsi, on pourra proposer pour le document suivant un procédure à laquelle on recourt ordinairement pour les documents informatifs écrits : une première écoute pour dégager la structure globale du document, laquelle permettra par la suite d’agencer les informations perçues pour construire un sens global articulé.
Le document choisi est l'épisode d'une chronique que tient Charline Vanhoenacker dans la matinale de France Inter. Le document est apparemment conçu pour des enfants.
Ecoutez plutôt : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts

Voici les questions apparemment posées à Charline par des enfants, que l'on repèrera lors d'une première écoute :
C’est quoi le Mercosur ?
Et je voudrais savoir pourquoi les vaches argentines, elles peuvent venir en Europe et pas les réfugiés syriens ?
Et pourquoi en Amérique du Sud, ils ne fabriquent pas leurs voitures là-bas ?
Les vaches qui viennent d’Argentine, est-ce qu’elles sont découpées par le président argentin ?
Mon papa, il dit que Macron, il est contre le Mercosur, mais qu’il ne peut pas l’empêcher. Comme avec la guerre en Ukraine ou le conflit israélo-palestinien. C’est vrai ?
Est-ce que les Argentins sont moins exigeants sur les produits qui sont exportés d’Europe ?
Une seconde écoute (et une troisième) devrait permettre de glaner les informations pertinentes suivantes à propos de cet accord16.
L’accord avec le Mercosur, c’est l’Europe et l’Amérique du Sud qui échangent de la viande contre des voitures. En gros, on s’échange du gaz à effet de serre à travers l’Atlantique sur des porte-conteneurs.
Macron n’est pas certain d’être sûr d’être contre, même s’il a quelques certitudes sur le fait qu’il hésite encore à être pour.
On pourra aussi critiquer cette capsule, dont l’objectivité journalistique et la précision ne constituent pas les qualités principales… En revanche, il faut reconnaitre que l’autrice de cette chronique, Charline Vanoenacker, pose des problèmes lancinants que n’évoque aucunement la communication officielle de l’Union européenne. Dans ses réponses, l’accent est mis sur la voiture et la viande, symboles des excès de notre mode de vie, incompatibles avec des mesures favorables à l’environnement et à une atténuation du bouleversement climatique, phénomène largement engagé et dont nous subissons les prémices, sans que des mesures radicales soient prises pour l’enrayer. Deuxième point pertinent suggéré par cette capsule : il semble qu'il n'y ait pas unanimité au sein des Vingt-Sept en faveur de l'accord… On pourrait ajouter que ce traité ne concerne que des biens matériels et non des réfugiés que l'on refoule dans la mesure où ils n'ont aucune valeur économique.
Si l'on veut développer plus avant la question du dérèglement climatique, de nombreux documents sont disponibles sur la toile, dont cette infographie17 :

Lire encore pour compléter le sens élaboré
Pour diversifier les points de vue sur une question d'actualité, je recours régulièrement au Monde diplomatique, titre dont le capital est détenu à 49 % par une association regroupant lecteurs et personnel du journal, ce qui en garantit l'indépendance. Problème : ses articles sont complexes et souvent inadaptés à un jeune public. Cependant, à présent munis de plusieurs références centrales sur la question du Mercosur, de jeunes élèves devraient être en mesure de comprendre les extraits suivants d'un article de Morvant Burel paru en octobre dernier18.
Le 3 septembre dernier, la Commission européenne entérinait un accord de libre-échange avec le Marché commun du Sud (Mercosur, qui regroupe l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay), dont l’idée était apparue… en 1999. À l’époque, le président des États-Unis se nommait William Clinton, le commissaire européen au commerce Pascal Lamy et le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) Michel Camdessus : trois incarnations d’une vague libre-échangiste qui déferla sur la planète à la fin du XXe siècle. C’était il y a plus de vingt-cinq ans. Depuis, une crise financière majuscule, une pandémie mettant le chaos dans les chaînes d’approvisionnement, un dérèglement climatique accéléré ont instruit le monde des conséquences directes du libre-échange : chômage de masse et désindustrialisation en Occident, maintien des populations dans la pauvreté au Sud, aggravation de la crise écologique.
Pour lire de tels extraits, l’élève doit être armé d’un vocabulaire spécifique, lequel constituera, en s’étoffant progressivement, un pan essentiel de sa formation citoyenne. On l’encouragera à rechercher des explications (ou on les lui fournira, en fonction du temps disponible) à des termes clés comme…

Outre ce vocabulaire, que l’on augmentera au fil des textes rencontrés, on pourra discuter avec l’élève des stratégies de lecture à appliquer face à de tels « pavés »... Apprendre à apprendre, visée transversale du tronc commun, doit guider l’action pédagogique de l’enseignant, auquel on conseille de faire réfléchir l’élève aux savoir-faire qu’il convient de mobiliser devant telle ou telle tâche.
On peut, en guise d’exemple de démarche de construction du sens, demander à l’élève de compléter un tableau SVA à propos de la suite de cet article, comme le suggère le PFTC-S1 à la page 8919 :

L’article est hautement résistant pour des jeunes de 12, 13 ans. Je conseille à l’enseignant d’aider l’élève à définir ce qu’il veut apprendre à la lecture de chacun de ses paragraphes en s’appuyant sur le paragraphe qui précède. Ainsi, progressivement, se dégagera la structure logique du texte. Pour le 1er paragraphe de l'extrait, reproduit ci-dessus, l'élève et l'enseignant tâchent d'y souligner les nouvelles informations qu'il fournit sur notre thématique.
Le début de cet article nous informe que le libre-échange (pratique que prévoit l’accord avec le Mercosur) induit des conséquences négatives pour les pays concernés : chômage de masse et désindustrialisation en Occident, maintien des populations dans la pauvreté au Sud, aggravation de la crise écologique. Alors, pourquoi Ursula Von der Leyen tient-elle tant à cet accord ? Tâchez de souligner dans le paragraphe qui suit les mots qui répondent à cette question.
Des centaines de milliers d’emplois en plus ?
Qu’importe à Mme von der Leyen. Selon la Commission, l’accord de libre-échange avec le Mercosur ainsi que celui signé le même jour avec le Mexique « constituent un élément essentiel de la stratégie de l’Union européenne visant à diversifier ses relations commerciales. [Ils] créeront des possibilités d’exportation d’une valeur de plusieurs milliards d’euros (…), contribueront à la croissance économique et à la compétitivité [et] soutiendront des centaines de milliers d’emplois européens ». Côté Mercosur, il s’agit d’accroître le volume des échanges commerciaux à travers la réduction ou la suppression des droits de douane sur plus de 91 % des marchandises. Mme von der Leyen prétend également sécuriser l’approvisionnement européen en minerais stratégiques (lithium argentin, graphite et terres rares du Brésil), afin d’extraire l’Union d’une trop grande dépendance vis-à-vis de la Chine (4). Selon les estimations de la Commission, la libéralisation des échanges avec l’Amérique du Sud entraînerait une augmentation des exportations européennes de 39 % (l’équivalent de 49 milliards d’euros), ce qui permettrait la création de 440 000 emplois en Europe. Comment refuser une telle manne ?
Les accords de libre échange avec le Mercosur et le Mexique, selon Mme Von der Leyen :
- créeront des possibilités d’exportations pour plusieurs milliards d’euros ;
- permettront le maintien (observez l’ambigüité du verbe soutiendront utilisé par Mme von der Leyen) de centaines de milliers d’emplois ;
- augmenteront les échanges commerciaux (on parle d’une augmentation des exportations européennes de 39 %) ;
- sécuriseront l’approvisionnement en minerais stratégiques ;
- créeront 440.000 emplois en Europe.
Deuxième question, suscitée par le paragraphe qui précède :
Tous les pays de l’Union européenne approuvent-ils cet accord et partagent-ils l’optimisme d’Ursula Von der Leyen ? Certains seraient susceptibles de « refuser une telle manne » ? Quelle réponse les paragraphes qui suivent apportent-ils à cette question ?
Les gouvernements de l’Autriche, de l’Irlande, de l’Italie, des Pays-Bas ou de la Pologne ont pourtant manifesté leur mécontentement. En France, la valse des premiers ministres n’a pas entamé l’opposition gouvernementale au texte. Le 12 novembre 2024, six cents parlementaires de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Parlement européen signaient une tribune soulignant que « les conditions démocratiques, économiques, environnementales et sociales ne sont pas réunies pour la conclusion et l’adoption d’un accord avec le Mercosur » (Le Monde, 12 novembre 2024).
Bruxelles épouse les préférences de Berlin
Le rejet était motivé par la crainte des probables conséquences du traité sur l’agriculture française, notamment sur l’élevage. Grands producteurs de viande, les pays du Mercosur ont obtenu la possibilité d’augmenter le volume de leurs exportations vers le territoire européen, alors que les normes de production sur leur sol sont moins contraignantes, en particulier en ce qui concerne l’utilisation des antibiotiques et des pesticides, la traçabilité ou les conditions d’élevage… Les filières agricoles européennes dénoncent une concurrence déloyale, source de perte de revenus à venir. De telles réserves n’ont toutefois pas suffi, et la ministre française de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire Annie Genevard (issue des Républicains) en est venue à dénoncer par anticipation le « passage en force de la Commission » (Le Figaro, 25 juin 2025).
Ainsi, plusieurs pays ont manifesté leur opposition au traité, estimant que les conditions démocratiques, sociales, environnementales et économiques ne sont pas réunies pour la conclusion de l’accord.
Pourquoi alors Mme Von der Leyen insiste-telle pour que l’accord soit signé ? Que nous dit à ce propos le paragraphe qui suit ?
L’intransigeance de Mme von der Leyen ne s’explique toutefois pas uniquement par sa rigidité idéologique. L’Union européenne ne forme pas un bloc économique homogène, et les exigences de certains de ses membres retiennent davantage l’attention que d’autres. Or, au cours des négociations, la présidente de la Commission, ancienne ministre du gouvernement de Mme Angela Merkel, a principalement ciblé trois secteurs industriels, tous cruciaux pour l’économie allemande : l’automobile (production pour laquelle les droits de douane à l’entrée de la zone Mercosur sont aujourd’hui de 35 %), les machines (14 à 20 %) et les produits pharmaceutiques (14 %). Bruxelles épouse donc les préférences de Berlin. Confronté au risque de réduction des échanges avec les États-Unis et à la concurrence de la Chine sur les secteurs où l’Allemagne s’était jusque-là illustrée, le chancelier chrétien-démocrate Friedrich Merz a martelé son souhait d’une ratification rapide de l’accord Union européenne - Mercosur.
En somme, cet accord permettra de maintenir à flots l’économie allemande, dont les secteurs phares (la voiture, les médicaments et les machines) sont menacés par la concurrence de la Chine et la réduction des importations en provenance de l'EU voulue par M. Trump.
La structure logique de l’article se présente comme suit :
Le libre-échange provoque du chômage de masse, la désindustrialisation de l’Europe, des nuisances environnementales graves et maintient les populations du Sud dans la pauvreté…
Pourtant, la Commission européenne a approuvé l’accord de libre-échange avec le Mercosur, affirmant que cet accord augmenterait sensiblement la croissance économique de l’Union européenne.
Mais l’Union n’est pas univoque/unanime. Plusieurs pays s’inquiètent des conséquences de cett accord sur les plans démocratique et écologique notamment.
La présidente de la Commission, Mme Von der Leyen, ne s’est pas laissé influencer par ces réserves. Elle semble défendre les ambitions de l’Allemagne, qui cherche à préserver son importance sur le plan mondial dans trois secteurs clés pour son économie : la pharmacie, l’automobile et les machines.
Pour conclure cette étape documentaire, il me semble nécessaire d’insister sur la diversité des regards portés sur l’accord avec le Mercosur, afin de développer chez l'élève, pas à pas, une capacité à relativiser les informations dont il est abreuvé en examinant leur source. On le portera ainsi à aiguiser sa pensée critique, comme y invite le PFTC-S120. On pourra élaborer un tableau de ce type :

Il est également essentiel de faire le point sur les savoir-faire et stratégies mobilisés pour lire les textes, afin que l’élève soit capable d’exercer un regard réflexif sur ses pratiques et d’acquérir par là des habiletés transférables. Nous aurions ainsi un rappel commençant par ces mots : Pour lire des textes afin de nourrir un exposé, je dois…
Suggestion de réponse :
- effectuer une lecture/écoute « survol » pour dégager une structure puis une lecture/écoute approfondie pour compléter à l'aide d'informations les « tiroirs » de cette structure ;
- me poser les questions qui/quoi ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? pour orienter ma lecture, mon écoute ;
- compléter un tableau SVA pour planifier ma démarche de lecture/écoute ;
- tâcher de relier logiquement les informations recueillies pour obtenir un tout cohérent facilement mémorisable.
Enfin, il reste à concevoir l’exposé et son support. En guise d’essai, avant de lancer les élèves sur une thématique qu’ils traiteraient par deux, ce parcours documentaire sur le Mercosur pourrait aboutir à un « exposé commun ». La classe serait divisée en cinq groupes de quatre et dans chacun des sous-groupes, un support serait conçu. Puis ce support serait présenté et commenté à la classe par les quatre membres de chaque groupe, lesquels se partageraient strictement la parole. Nous aurions alors cinq exposés comparables (et sans nul doute redondants), dont la classe par la suite dégagerait des balises pour les exposés ultérieurs.
Conclusion
Dans cet article, j'ai poursuivi plusieurs lièvres… J'ai voulu soumettre aux élèves une question d'actualité lancinante, dans la mesure où elle symbolise parfaitement les dérives de notre société (le libre-échange et la croissance économiques non remis en question par le politique (les instances dirigeantes européennes), leur incurie apparente envers l'écologie), présenter quelques préoccupations du nouveau programme de français pour la 1re secondaire (la pratique de la métacognition, l'élaboration d'une pensée critique), et cela en développant l'une des étapes d'un prescrit de ce programme (la présentation d'un exposé). J'ai bien conscience que ce texte en appelle un autre qui traiterait de la mise en voix des informations rassemblées dans cette étape documentaire. Ce pourrait être l'objet d'un prochain article.
J'ai également conscience, à la relecture de cet article, que de nombreux termes employés dans les réponses suggérées, comme « manne » ou encore « duplicité » (parmi d'autres !) devront faire l'objet d'explications pour être bien compris du public. C'est peut-être justement l'occasion d'entrainer chez ce public l'habileté à induire le sens d'un terme du contexte dans lequel il est inséré…
Enfin, de nouveaux articles instructifs sont encore publiés sur cette question à l'heure où je « boucle » le présent texte. On lira ainsi avec intérêt une opinion de Nicolas de Sadeleer, professeur à l'UCLouvain Saint-Louis - Bruxelles, où il épingle la caducité des clauses de protection du marché européen et de durabilité (préservation d'un climat viable et de l'environnement) inscrites dans l'accord avec le Mercosur21.
Pierre-Yves Duchâteau
1. Enseignement catholique secondaire (2025), Programme Français - 1re secondaire - tronc commun, p. 10.
2. Enseignement catholique secondaire (2025), Programme Français - 1re secondaire - tronc commun, p. 15.
3. Enseignement catholique secondaire (2025), Programme Français - 1re secondaire - tronc commun, p. 46.
4. Enseignement catholique secondaire (2025), Programme Français - 1re secondaire - tronc commun, p. 46.
5. Enseignement catholique secondaire (2025), Programme Français - 1re secondaire - tronc commun, p. 22.
6. Enseignement catholique secondaire (2025), Programme Français - 1re secondaire - tronc commun, p. 30.
7. Enseignement catholique secondaire (2025), Programme Français - 1re secondaire - tronc commun, p. 35.
8. « Toute l'Europe (anciennement Centre d'Information sur l'Europe, ou CIE) est un groupement d'intérêt économique publiant un site web francophone consacré à la diffusion d'informations sur les questions européennes. Il propose des contenus pédagogiques sur le fonctionnement de l'Union européenne (histoire, institutions, politiques, etc.) ainsi que sur les grands sujets d'actualité européenne tels que les procédures d'adhésion ou les négociations commerciales avec les États tiers. Le site propose également une revue de presse quotidienne et des contenus interactifs.) » (Ces informations, absentes du site concerné, ont été découvertes sur Wikipédia ! (https://fr.wikipedia.org/wiki/...)
11. https://d-maps.com/carte.php?num_car=2232&lang=fr /
12. https://d-maps.com/carte.php?n...
13. https://www.europarl.europa.eu...
16. La transcription de l'épisode est disponible ici :
17. https://grain.org/en/article/6...
18. https://www.monde-diplomatique.fr/2025/10/BUREL/68812
19. Enseignement catholique secondaire (2025), Programme Français - 1re secondaire - tronc commun, p. 89.
20. Enseignement catholique secondaire (2025), Programme Français - 1re secondaire - tronc commun, p. 5.
21. https://www.lalibre.be/debats/...
